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Concevez ce désordre, — depuis le massacre du tzar et des jeunes filles, surtout — et pensez à la terreur française, quand nos portes étaient fermées et que les jeunes gens de l’Europe Centrale s’enthousiasmaient pour la merveilleuse originalité de notre nation.

L’aventure est à l’Est, maintenant que nous estimons que les filles d’O Tahiti fabriquent des étuis à cigarettes avec un matériel d’usines de guerre transformées. À l’Est, notre inquiétude se heurte à un mur plus infranchissable que la mer. Là, dans ce pays excitant, des jeunes filles doivent prendre des attitudes inédites, et les soldats se parer d’attributs burlesques et scientifiques.

Je pense à Jarry et à la chanson du décervelage, un tout petit détail dans cette tragédie moscovite qui coûte la vie à quelques milliers d’hommes barbus et de vieilles femmes perdues dans des jupes accumulées et qui laissera dans l’imagination d’un romancier dévoué à l’aventure, la vision d’une grande-duchesse, lasse, piétinant dans la boue, près de la gare d’Ekaterinbourg, à la limite de l’imagination.

Pierre MAC ORLAN