Page:Austen - Emma.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

du 23 juin 1910 [10]




EMMA


par Jane Austen


───


Traduction de M. PIERRE DE PULIGA


────


Dès le lendemain néanmoins elles eurent la preuve du contraire. M. Elton en arrivant déposa sur la table une feuille de papier où il avait transcrit, dit-il, une charade qu’un de ses amis venait d’adresser à une jeune fille, objet de son admiration. Mais d’après le style Emma fut immédiatement convaincue que l’œuvre était du crû de M. Elton.

— Je ne l’offre pas pour la collection de Mlle Smith, dit M. Elton ; c’est la propriété de mon ami et je n’ai pas le droit de la livrer au public, mais peut-être ne vous déplaira-t-il pas d’en prendre connaissance ?

Ce discours s’adressait plus particulièrement à Emma qui ne s’en étonna pas : elle comprenait que, dans cette circonstance décisive, M. Elton préférât éviter le regard d’Harriet. Il prit congé au bout de quelques instant.

— Lisez, dit Emma en présentant le papier à Harriet, ceci vous est destiné !

Harriet était trop émue pour lire et Emma fut obligée d’examiner elle-même le document : c’était un véritable panégyrique de la femme ; l’auteur y faisait discrètement allusion à ses sentiments et à son amour. Les deux dernières lignes formaient une sorte d’ « envoi » où après avoir vanté la subtilité de sa dame, le poète exprimait l’espoir de lire dans un « doux regard » l’approbation de sa muse et de ses vœux !


Reproduction interdite