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Mme Weston avait une arrière-pensée qu’elle s’efforçait de ne pas laisser paraître : elle et son mari nourrissaient un projet concernant l’avenir d’Emma, mais ils jugeaient désirable de le tenir secret. Peu après, M. Knightley reprit :

— Qu’est-ce que Weston pense du temps ; croit-il qu’il va pleuvoir ? et il se leva pour prendre congé.





VI


Emma s’aperçut bientôt du succès de ses efforts pour donner à l’imagination d’Harriet un nouvel aliment : celle-ci ne tarda pas à apprécier comme il convenait les avantages physiques de M. Elton et l’agrément de ses manières. D’autre part, elle était convaincue que ce dernier était bien près d’être amoureux, s’il ne l’était pas déjà. Il exprimait son appréciation des progrès réalisés par Harriet depuis sa venue à Hartfield dans des termes qui paraissaient concluants :

— Vous avez donné à Mlle Smith ce qui lui manquait : l’aisance et le goût. C’était une ravissante créature lorsque vous l’avez connue, mais à mon avis les attraits dont vous l’avez ornée surpassent de beaucoup ceux qu’elle devait à la nature.

— Je suis heureuse de penser que mes conseils lui ont été utiles ; mais à dire vrai Harriet possédait toutes les aptitudes. Mon œuvre se réduit à peu de chose.

— S’il était permis de contredire une femme… dit galamment M. Elton.

— Peut-être son caractère a-t-il acquis un peu plus de décision : je lui ai suggéré quelques points sur lesquels sa pensée n’avait pas l’habitude de s’arrêter.

— Précisément. Et ce résultat a été obtenu en si peu de temps. Quelle légèreté de touche !

— Dites plutôt : quelle culture facile ! Je n’ai jamais rencontré un esprit plus souple.

— Je n’en doute pas.

(À suivre.)