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Cet appel aux sentiments d’Henriette fut en partie couronné de succès. L’idée de manquer de reconnaissance et de considération pour Mlle Woodhouse, la rendit tout à fait malheureuse :

— Vous ayez été pour moi la meilleure des amies ! Personne ne vous vaut ! Je n’aime personne autant que vous ! Je sais combien j’ai été ingrate, Mlle Woodhouse !

Ces protestations appuyées de la plus tendre mimique touchèrent le cœur d’Emma.

« La spontanéité d’un cœur aimant a un charme incomparable, se dit-elle ensuite à elle-même. C’est la nature affectueuse de mon père et d’Isabelle qui les font aimer de tous. Je n’ai pas ces qualités, mais je sais les apprécier et les respecter. Henriette m’est de beaucoup supérieure à ce point de vue. Chère Henriette, je ne voudrais pas vous changer pour la plus intelligente des créatures humaines ! »




XXXII


Ce fut dans l’église d’Highbury que Mme Elton s’offrit pour la première fois aux regards : cette apparition suffit à interrompre les dévotions, mais non pas à satisfaire la curiosité. Emma tenait à présenter sans délai ses félicitations ; elle se décida à amener Henriette avec elle afin d’adoucir pour son amie, dans la mesure du possible, l’émoi de la première entrevue.

Néanmoins, Henriette se comporta fort bien et ne laissa pas percer son émotion : elle était seulement plus pâle et plus silencieuse que de coutume. Naturellement, la visite fut courte, la gêne était inévitable de part et d’autre. Dans ces conditions, Emma se promit de ne pas porter un jugement hâtif sur la jeune femme ; la première impression n’était pas favorable : chez une étrangère, une jeune mariée, il y avait excès d’aisance ; la tournure était agréable, le visage également, mais Emma ne discerna, ni dans les traits, ni dans le maintien, aucune distinction naturelle. Quant à M. Elton, elle était disposée à se montrer indulgente : les visites de noce sont, de toute façon, une épreuve re-