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horribles, que les oreilles humaines, quelles qu’elles soient, ne peuvent souffrir, ils pourraient nous dire que ce sont les choses dont le Seigneur a dit : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant ». Ils seraient capables de prétendre que c’est par l’influence du Saint-Esprit qu’on peut supporter ces choses immondes et indicibles. Il y a des choses mauvaises que la pudeur humaine, toute petite soit-elle, ne peut supporter ; il y a aussi des choses bonnes que le sens humain ne peut porter, parce qu’il est écourté. Les premières se rencontrent dans les corps impudiques, les dernières se trouvent éloignées de toute espèce de corps : les unes sont commises par la chair impure, les autres sont à peine comprises par les purs esprits. « Renouvelez-vous donc dans l’esprit de votre âme [1], et comprenez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait [2], afin qu’enracinés et fondés dans la charité, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur de ce mystère, et connaître aussi la charité de Jésus-Christ qui surpasse toute science, afin que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu [3] ». Le Saint-Esprit vous enseignera toute vérité, en répandant de plus en plus la charité dans vos cœurs.

QUATRE-VINGT-DIX-SEPTIÈME TRAITÉ.

SUR LA MÊME LEÇON.

SE DÉFIER DES FAUX DOCTEURS.

Qui est-ce qui peut comprendre Dieu ? Personne. Nous pouvons en approcher plus ou moins, mais nous ne le verrons tel qu’il est qu’au ciel. Par conséquent, mettons-nous en garde contre les discours de gens gâtés, qui n’en savent pas plus que nous et qui cherchent à porter atteinte à notre foi et à nos mœurs.


1. Le Sauveur promit à ses disciples de leur envoyer le Saint-Esprit : c’était lui qui devait leur enseigner toutes les vérités, même celles qu’ils ne pouvaient pas porter au moment où il leur parlait ; c’est de lui que l’Apôtre nous a dit que « nous en recevons maintenant les arrhes [4] », pour nous faire comprendre que la plénitude nous en est réservée dans l’autre vie ; c’est ce même Esprit-Saint qui enseigne aux fidèles les choses spirituelles, autant que chacun peut les porter ; c’est lui qui enflamme leurs cœurs d’un plus vif désir, et leur fait faire des progrès dans cette charité qui fait aimer ce qu’on connaît, et désirer ce qu’on ne connaît pas assez ; néanmoins, ce que nous connaissons maintenant, n’importe à quel degré, nous devons savoir que nous ne le connaissons pas comme nous le connaîtrons dans cette vie que 1'œil n’a point vue, que l’oreille n’a point entendue et que le cœur de l’homme n’a point conçue [5]. Si le maître intérieur voulait dès maintenant nous dire ces choses, comme nous les comprendrons plus tard, c’est-à-dire les découvrir et les montrer à notre âme, la faiblesse humaine ne pourrait les porter. Votre charité doit se rappeler ce que je vous ai dit, lorsque j’ai expliqué ces paroles que le Sauveur nous adresse dans le saint Évangile : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant ». Dans ces paroles du Seigneur nous ne devons pas soupçonner je ne sais quels secrets cachés que le maître aurait bien pu dire, mais que les disciples n’auraient pu porter ; nous devons y voir seulement ces vérités de la doctrine

  1. Eph. 4, 23
  2. Rom. 12, 2
  3. Eph. 3, 17-19
  4. 2 Cor. 1, 22
  5. 1 Cor. 2, 9