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CINQUANTE-NEUVIÈME SERMON.
POUR LE JOUR DE PÂQUES. 4

ANALYSE. —1. En apparaissant à ses disciples, le Christ affermit leur foi. —2. Triple profession d’amour faite par Pierre. —3. pour réparer son triple reniement.

1. Comme vient de nous l’apprendre le texte de la leçon de l’Évangile, qu’on nous a récitée tout à l’heure, c’est en cet endroit que Jésus-Christ est apparu pour la troisième fois à ses disciples, depuis le moment de sa résurrection. Pendant qu’il mangeait avec eux, il dit à Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? Celui-ci répondit : Seigneur, vous savez que je vous aime[1] ». La présence assidue de Notre-Seigneur Jésus-Christ au milieu de ses Apôtres, après sa résurrection, eut pour résultat d’affermir plus solidement leur foi en sa personne. Connaissant parfaitement l’infirmité humaine, et pour y porter remède, il a voulu se montrer souvent à eux, et c’est ainsi qu’il leur a ôté jusqu’à l’ombre du doute au sujet de sa résurrection. À voir à chaque instant le Sauveur devant eux, ils ont acquis, en effet, la pleine certitude de la vérité, et bien qu’une seule apparition de sa part ait dû être plus que suffisante pour asseoir leur foi, néanmoins le Sauveur s’est fréquemment montré aux yeux de ses Apôtres, afin de leur donner une preuve plus irrécusable de sa résurrection. Ce n’est pas une fois, et à la hâte, qu’il leur a accordé la faveur de le contempler ; il les a, à vrai dire, rassasiés du spectacle de sa présence : quand il mangeait avec eux, ce n’était pas, non plus, qu’il eût besoin de prendre des aliments, (car son corps ressuscité éprouvait-il la moindre nécessité ?) Non, il ne se proposait autre chose que de leur prouver clairement qu’il était ressuscité d’entre les morts en prenant de la nourriture, comme les hommes en prennent pour l’entretien de leur vie. Nous lisons, à ce sujet, dans les Actes des Apôtres : « Pendant quarante jours, après sa résurrection d’entre les morts, ils ont mangé avec lui : nous en sommes témoins[2] ». Comme conséquence de la constante et continuelle présence du Sauveur parmi ses disciples, après sa résurrection, la foi en lui s’est consolidée et l’incrédulité n’a plus eu de raison d’être.

2. Mais une circonstance qu’il ne faut, pour rien au monde, négliger, c’est que Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans tout ce passage de l’Évangile, a affecté de dire : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu[3] ? » Il a réitéré trois fois cette question. Pourquoi donc a-t-il voulu sonder jusqu’à trois fois les sentiments de Pierre ? C’est qu’il a voulu obtenir de lui une triple réponse. Ici, Jésus interroge l’Apôtre, comme s’il ne connaissait point les secrètes pensées de l’homme. Le Sauveur avait dit autrefois : « Pourquoi pensez-vous le mal dans vos cœurs[4] ? » En, un autre endroit, il a été dit de lui : « Jésus voyant les pensées de leurs cœurs[5] ». Alors, pour quel motif demande-t-il à Pierre s’il l’aime, puisqu’il est de l’essence de Dieu de savoir d’avance toutes choses ? Il est écrit que « Dieu sait ce qu’il y a dans l’homme[6] ». Le Seigneur dit encore ailleurs : « Je scrute les reins et les cœurs[7] ». Dans quel but, par conséquent, demander à Pierre s’il éprouve de l’affection pour Dieu ? Il était certainement impossible que, avec la preuve de la résurrection du Sauveur, Pierre ne le reconnût point pour un Dieu, lui qui l’avait, avant sa mort, reconnu pour le Christ et le Fils de Dieu. Ne lui avait-il pas dit, en

  1. Jn. 21, 17
  2. Act. 10, 39-41
  3. Jn. 21, 17
  4. Mat. 9, 4
  5. Luc. 9, 47
  6. 1Ro. 8, 39
  7. Psa. 7, 10