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En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ a reçu trois couronnes : la couronne de la gloire, celle de la justice et celle des souffrances. Le Père lui a donné la couronne de la gloire lorsqu’ « il l’a oint d’une, onction d’allégresse et de joie plus abondante que celle de ceux qui devaient la partager avec lui[1] » ; comme il est écrit : « Seigneur, vous l’avez couronné de gloire et d’honneur, vous lui avez donné l’empire sur les œuvres de vos mains[2] ». Sa mère immaculée, c’est-à-dire la Vierge Marie, lui a donné la couronne de la justice, en lui fournissant la substance d’une chair sans tache, et en l’engendrant, comme son Fils, dans la justice et l’innocence. Sa mère, ou, pour parler avec plus de justesse, sa marâtre, la synagogue, lui a donné la couronne de la souffrance ; car elle a placé sur sa tête une couronne d’épines, en même temps qu’elle couvrait ses épaules d’un manteau dérisoire, qu’elle l’accablait d’injures, de crachats, de coups, de malédictions et d’opprobres, et qu’enfin elle le condamnait à un supplice réputé infâme.

6. Mes très-chers frères, nous sommes les enfants d’une sainte mère, l’Église ; nous appartenons à une race toute pure ; l’Esprit de Dieu nous a lui-même instruits à l’école de la vérité ; entrons donc, animés des plus vifs sentiments de piété, dans ces jours de réparation et de salut, et associons-nous, autant que possible, aux souffrances de Jésus-Christ ; « car si nous souffrons avec lui, nous serons aussi glorifiés avec lui[3] ; sortons donc aussi hors du camp pour aller à lui, portant sur notre corps l’ignominie de sa croix[4] ». À cette croix attachons nos membres, ainsi que leurs vices et leurs convoitises, avec les clous de l’amour de Dieu et ceux de la pénitence ainsi débarrassés, par notre repentir, du fardeau de nos fautes, sortons d’un cœur allègre et d’un pas léger, allons voir, non avec les yeux du corps, mais avec ceux d’une âme toute chrétienne, ce roi Salomon, couronné dans les cieux du diadème de l’immortalité et de la gloire, sous lequel il vit et règne, Dieu avec le Père, en union de l’Esprit-Saint, pendant tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

CINQUANTE ET UNIÈME SERMON.
POUR LA CÈNE DU SEIGNEUR.

ANALYSE. —1. Il faut recevoir saintement les saints mystères.—2. Frayeur des disciples et effronterie de Judas. —3. Chute de Pierre. —4. Son repentir.

1. Vous êtes venus en grand nombre pour prendre part au banquet de ce jour, pour assister à l’immolation de l’Agneau et faire la Pâque avec les disciples de Jésus-Christ or, je vous en conjure, apportez aux divins mystères des cœurs sincères et remplis de charité ; qu’il n’y ait dans vos âmes aucune duplicité, que le nuage de l’envie ne projette point son ombre sur votre homme intérieur ; puissiez-vous apporter à la manducation de l’Agneau une innocence d’agneau ! Puisse la brebis immaculée ne point former en vous des membres de loup ! Car celui qui s’assied à cette table et y participe indignement, n’arrivera pas avec Pierre au port du salut, mais il fera avec Judas un irrémédiable naufrage il subira la peine due à son crime, comme ce traître qui a reçu le bienfait du Seigneur avec une conscience coupable. Enfin Judas n’a apporté à la cène aucune franchise, il n’y a mis que de la dissimulation ; aussi, dès qu’il a eu reçu, de la main du Christ, le morceau de pain trempé, le diable est-il entré en lui.

2. Je veux, mes frères, examiner pieusement

  1. Psa. 44, 8
  2. Psa. 8, 6
  3. Rom. 8, 17
  4. Heb. 13, 17