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QUARANTE-SEPTIÈME SERMON.
POUR LE CARÊME[1]. II

ANALYSE. —1. Le jeûne a été établi d’après l’exemple du Christ : c’est par l’abstinence que l’homme peut recouvrer ce que lui a fait perdre l’intempérance. —2. L’exemple de Moïse lui donne un nouveau degré d’autorité. —3. Puissance du jeûne. —4. La vraie perfection du jeûne consiste à triompher intérieurement de la cupidité et à subvenir aux besoins des pauvres.

1. « Voici le temps favorable, voici les jours de salut[2] ». Mes frères, voici les jours où, par les macérations corporelles, nous opérons le salut de nos âmes. Sans doute, nous y mortifions l’homme extérieur, mais aussi nous y vivifions l’homme intérieur. Le jeûne est, en effet, comme la nourriture de notre âme ; car s’il nous impose des sacrifices, il profite d’autant à notre salut. Entre autres exemples de sanctification, notre Seigneur et Dieu, Jésus-Christ, nous a donné celui du jeûne et du carême ; il a même indiqué le nombre de jours qu’il doit durer, puisqu’il a jeûné pendant quarante jours. C’est donc lui qui est l’auteur de ton jeûne, comme il sera plus tard le rémunérateur de tes mortifications. Le Rédempteur a donc jeûné l’espace de quarante jours ; il est, néanmoins, de toute évidence, qu’il n’avait commis aucun péché et qu’il n’avait rien à craindre. Or, si le Dieu qui était à l’abri de toute erreur s’est dévoué à cet acte de pénitence, combien devient-il plus nécessaire à l’homme de s’y soumettre, puisqu’il est si exposé à se tromper ! Et si de telles macérations ont été imposées à un innocent, avec combien plus de justice ne peut-on pas les exiger d’un coupable ? En goûtant du fruit de l’arbre, en violant la loi du jeûne à laquelle il avait été soumis, Adam, le chef du genre humain, est devenu maître ès-péchés, après avoir été le maître du paradis, et, comme conséquence de sa prévarication, la mort a jeté jusque sur nous son aiguillon. Quiconque désire vivre, doit donc aimer l’abstinence ; car, vous le savez, c’est en convoitant des aliments que l’homme s’est condamné à mourir : et le rusé serpent, qui a séduit nos premiers parents en les excitant à la gourmandise, ne s’est-il pas approché du Sauveur, au moment de son jeûne, pour le tenter ? Est-ce qu’il n’ose pas tout, cet audacieux ? Mais en observant le jeûne, le Seigneur a confondu cet antique ennemi de l’homme, le nouvel Adam a repoussé le vainqueur du vieil Adam. O l’admirable pouvoir de l’abstinence ! Par le jeûne, elle triomphe du diable, à qui la gourmandise a donné jadis la victoire.

2. On dit que Moise a de même observé un jeûne de quarante jours avant de recevoir la loi de Dieu. C’est le jeûne qui obtient la faveur des commandements divins et la grâce de les observer. Moïse s’est privé d’entretiens avec Dieu, mais il a joui de sa présence ; le peuple, au contraire, en s’adonnant aux excès du boire et du manger ; s’est précipité dans le culte des faux dieux, et parce qu’il n’avait cherché qu’à se rassasier, il ne chercha plus qu’à pratiquer les superstitions des Gentils.

3. Nous venons de vous le démontrer, non-seulement Jésus-Christ, mais Moïse, mais plusieurs autres, nous ont donné l’exemple du jeûne ; voyons maintenant quels en sont les avantages et l’utilité. Le Sauveur parle du diable à ses disciples, et leur dit : « Ces démons et ne peuvent être chassés que par le jeûne et

  1. Ce discours est tout à fait digne de saint Augustin.
  2. 2Co. 6, 2