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QUARANTE-CINQUIÈME SERMON.
POUR L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE. SUR LE BAPTÊME DU CHRIST.

ANALYSE. —1. Le Christ se fait baptiser pour nous amener à la pénitence. —2. Humilité de Jean. —3. Il voit les cieux s’ouvrir et le Saint-Esprit en descendre : comment ? —4. Le mystère de la Trinité se dévoile dans son entier. —5. Exhortation au baptême.

1. Que Dieu se soit fait voir parmi nous ; que Notre-Seigneur Jésus-Christ ait été, en même temps, Dieu et homme, et qu’en lui aient manifestement paru les prérogatives de l’un et de l’autre, c’est un fait annoncé en bien des manières par les Prophètes, et affirmé par le saint Évangile d’aujourd’hui : de là nous devons conclure que, si Dieu a daigné se faire homme, c’était afin que l’homme, perdu par son péché, pût devenir Dieu. Après avoir accompli le mystère de l’Incarnation et pris sur lui les faiblesses de notre humaine mortalité, l’Homme-Dieu nous a appris la manière d’effacer nos fautes ; car il est venu demander à Jean-Baptiste le baptême de la pénitence, afin de nous procurer le salut par son propre baptême. Imitez donc et recevez le sacrement justificateur qu’a établi le Fils de Dieu. Il a fait pénitence, et, pourtant, aucune raisonne l’obligeait à la pénitence ; pleurez, vous, car vous avez tout motif de verser des larmes de douleur. Il a effacé les péchés de la chair ; c’est à vous de les déplorer. Il a purifié dans l’eau matérielle ce qui était sans taches ; pour vous, dont1a conscience est souillée, purifiez-la dans le torrent de vos larmes.

2. En voyant Dieu s’approcher du baptême de pénitence pour le recevoir, le vénérable Prophète fut saisi de stupeur ; le trouble et l’épouvante se répandirent dans tout son être en la présence du Rédempteur. « Seigneur », s’écria-t-il, « soyez-moi propice ! Ces eaux où se purifient les corps sont la piscine réservée aux pécheurs. Je baptise les serviteurs, mais je ne dois point baptiser le Maître. Je le sais, vous venez de la source des eaux célestes ; pourquoi donc entacher les choses divines au contact des choses de la terre ? En vous se trouvent des sources toutes pures, dont les eaux abondantes rafraîchissent les terres desséchées et communiquent la fécondité à celles qui sont stériles. O saint, si, seulement, vous m’ordonniez de m’approcher de ces eaux salutaires ! si, seulement, vous daigniez en verser sur moi de vos propres mains ! Purifié de mes souillures charnelles, je pourrais marcher dans le sentier du ciel, j’ignorerais les faiblesses coupables de la chair ! ». Néanmoins le Sauveur persiste dans son dessein ; puis, voilant pour un instant sa divinité, il dit à Jean : « Fais maintenant ce que je dis, car il nous faut  accomplir toute justice[1] ». Voyez, quelle céleste réponse ! Le Christ ne nie pas qu’il soit Dieu, mais parce qu’il est devenu homme, il veut accomplir tout ce qu’exigent les prescriptions de la loi. Car c’est justice qu’il reçoive ce qu’il doit donner, et qu’il imprime le sceau de la perfection à ce qu’il doit léguer à l’Église. Alors Jean le laissa : il ne se sépara point de lui, mais il l’abandonna à sa propre volonté, pour lui laisser faire ce qu’il désirait. Il voyait dès lors, en effet, que le baptême du Sauveur sanctifierait les eaux, et que ce bain serait, non plus celui de la pénitence, mais celui de la grâce.

3. « Aussitôt qu’il fut baptisé, Jésus sortit de l’eau, et les cieux s’ouvrirent[2] ». Emblème de la promptitude avec laquelle devait s’opérer l’œuvre de notre régénération, et de la facilité avec laquelle le vieil homme se changerait en homme nouveau. Jésus est baptisé, et tous les secrets mystères de l’homme se dévoilent. Les cieux s’ouvrent en présence de Jean, non pour rendre profanes les mystères célestes ; mais pour rendre accessible

  1. Mat. 3, 15
  2. Id. 16