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et de la vengeance, mais celui de la miséricorde et de la liberté. Ce roi omnipotent sortira portant son glaive sur sa cuisse, mais ce glaive ne servira qu’à détruire l’emportement des passions ; il fera triompher la virginité et la chasteté. Hé quoi, Hérode, tu tombes dans le trouble parce qu’il est né un Roi des Juifs ! Et pourquoi ? Son royaume n’est pas de ce monde[1]. Il régnera, oui, sans doute, mais pas comme tu crains de le voir régner. Toi, tu finiras bientôt, mais « son règne », à lui, « n’aura pas de fin[2] ». Pourquoi trembler d’épouvante en présence d’un vivant ? Il n’y a rien à craindre ; le Roi des Juifs, qui est venu au monde, ne t’enlève point ta vaine royauté. Tu crains de la perdre, cette royauté, et tu ne redoutes pas de périr toi-même ! Le Christ régnera sur les Juifs, mais sur des Juifs à lui, sur des Juifs circoncis de cœur et non de corps, sur des Juifs en esprit, et non selon la lettre, sur des Juifs réels, et non fictifs. À des Juifs de ce caractère et dont il est le Roi, il prépare le royaume éternel des Juifs : tu peux arriver à posséder ce royaume, si tu le veux ; mais alors tu régneras, non point sur eux, mais avec eux ; tu régneras éternellement ; non pas à la place du Christ, mais conjointement avec lui. Aujourd’hui, par le massacre des innocents, tu désires retenir entre tes mains les rênes de la royauté ; ton crime ne t’empêchera pas de mourir, et la mort te forcera à les abandonner. Celui dont tu cherches à te débarrasser te survit en ce monde, et, quand il aura été mis à mort, il régnera sur tous les peuples. Va donc maintenant ; marche, précipite-toi dans le sang d’une multitude d’enfants, afin d’arriver presque à faire mourir le seul que tu cherches. Si tu y parviens, ah ! du moins tu le crois, tu régneras tranquillement. Ne crains rien, ne te trouble pas : cet enfant, que tu prétends livrer à la mort, est venu pour ravir la royauté à la mort, et pas à toi. Peut-être te dis-tu : Je le tuerai, par là même je pourrai vivre. Inutile précaution ! C’est là, au contraire, le moyen de mourir, ce n’est pas le moyen de s’assurer l’existence. Crois plutôt en lui, si tu veux vivre ; car il est la vie, celui que tu veux faire mourir. Les Mages, étant venus, cherchent le Seigneur ; Hérode le cherche aussi mais si ceux-là veulent vivre pour lui, celui-ci se propose de le faire passer de vie à trépas. L’amour guide les premiers jusqu’au berceau du Christ, et le leur fait adorer ; le second voudrait en finir avec lui, mais sa fureur est déjouée ; les uns, guidés par l’étoile, rencontrent le salut ; l’autre, aveuglé par sa méchanceté, trouve sa propre perte ; les Mages se réjouissent à voir Jésus-Christ, Hérode se consume à lui en vouloir.

4. Mes frères, prenons nous-mêmes part à la joie de tous les peuples gentils, dont les Mages ont été les prémices ; ainsi éviterons-nous de périr avec les Juifs, qui ont préféré, pour leur roi, Hérode au Christ. Sans doute, on ne saurait trop flétrir la folle cruauté du roi Hérode ; mais il faut s’étonner bien davantage encore de la sottise des Juifs. Ils ont découvert l’endroit où se trouvait le Christ ; suivant qu’ils l’avaient appris par les écrits des Prophètes, ils ont désigné Bethléem comme le lieu de sa naissance, et, par envie, ils ont refusé de croire au Sauveur naissant, se montrant ainsi plein de zèle pour lire et remplis de mauvaise volonté pour se soumettre à la foi. Laissons-les dans la vieillerie de la lettre ; préparons-nous tous les jours à adorer, conjointement avec les Mages, Notre-Seigneur Jésus-Christ ; célébrons, avec une sobriété exemplaire et saintement, cette grande solennité, afin que nous méritions, comme tous les saints, d’arriver jusqu’à notre Seigneur et Sauveur. Ainsi soit-il.

  1. Jn. 18, 36
  2. Luc. 1, 33