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traînant après lui de nombreux captifs ; il a répandu ses dons sur les hommes[1] ». Le Seigneur Christ est donc venu, à proprement parler, pour opérer notre délivrance. Ce n’est ni un prince, ni un député, ni un ange qui nous sauvera ; ce sera le Seigneur lui-même par sa venue.

4. Étonnante merveille, mes frères ! Le Christ est venu en ce monde, et, pourtant, il était dans le monde dès le commencement, il y est encore, et il y reviendra un jour. Qu’il soit venu dans le monde, c’est un fait attesté par l’Apôtre en ce passage : « C’est une vérité certaine et digne d’être reçue avec une entière soumission, que Jésus-Christ est venu en ce monde pour sauver les pécheurs, parmi lesquels je suis le premier »[2]. Qu’il ait été dans le monde, l’Évangéliste l’affirme : « Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu[3] ». 2 est encore maintenant avec nous dans le monde, car il a dit à ses Apôtres : « Allez, instruisez toutes les nations ; baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; voici que je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles »[4]. Quant à sa venue future, l’Ange en parle ainsi aux Apôtres : « Comme vous voyez le Christ monter au ciel, ainsi l’en verrez-vous revenir[5] ». Précédemment déjà, le Prophète l’avait annoncé : « Il viendra manifestement, notre Dieu, et il ne se taira plus[6] ». Aussi, parce que le Seigneur Christ « était dans le monde, le monde », c’est-à-dire, le genre humain, « ne l’a point connu[7] ». Et chose surprenante ! il ne le croyait pas invisible. Grand mystère ! Étonnante merveille ! Par cela même que le Créateur du monde a voulu devenir une des créatures qui peuplent le monde, il a effacé les péchés du monde, suivant cette parole de l’Évangile : « Voilà l’Agneau de Dieu, voilà celui qui efface les péchés du monde[8] ».


5. Mes frères, nous croyons que le premier avènement du Seigneur Christ a déjà eu lieu, et nous lui en témoignons notre reconnaissance par notre adhésion à cette vérité ; mais il nous revient de tous côtés des objections faites par les Juifs endurcis, par les païens et les manichéens. – Qu’est-ce donc que sou. tiennent les chrétiens, s’écrient-ils ? Ils disent que le Dieu de gloire est venu en ce monde pour sauver le genre humain ? Pourquoi le prétendre ? N’y avait-il dans le ciel personne que Dieu pût envoyer à sa place ? N’avait-il pas à sa disposition un ange ou un autre représentant ? N’a-t-il pas, en effet, choisi Moïse et Aaron pour délivrer le peuple d’Israël de la captivité d’Égypte ? D’ailleurs, s’il a voulu venir en ce monde, pourquoi se servir de l’intermédiaire d’une femme ? Pourquoi passer par les membres obscènes d’une créature ? – Voici notre réponse. Nous disons : Dieu pouvait nous délivrer d’une autre manière, parce qu’il est tout-puissant. Mais il ne nous suffisait pas qu’en Dieu se trouvât seulement la puissance, il fallait aussi qu’à la puissance se joignît la justice. La puissance se manifeste dans l’action, et la justice dans la raison. Or, la raison exigeait que l’homme eût pour rédempteur le Créateur même du genre humain ; car nous lisons, dans la sainte Écriture, que Dieu le Père a dit à son Fils : « Faisons l’homme « à notre image et à notre ressemblance[9] ». Quant à la difficulté qu’ils tirent du passage du Christ par des membres soi-disant obscènes, rien de plus facile que d’en triompher. Je ne vois aucune obscénité là où se rencontre l’intégrité virginale ; on ne peut dire qu’il y ait des taches là où la nature a conservé une pureté parfaite. Les rayons du soleil traversent les marais et la fange, sans contracter aucune souillure, bien qu’ils soient corporels, puisqu’ils sont un composé de lumière et de chaleur ; à bien plus forte raison la divinité incorporelle du Christ n’a-t-elle pu se salir en s’incarnant dans le sein d’une Vierge. Une Vierge a conçu, une Vierge a enfanté, et elle est demeurée vierge. Ce qu’Eve nous avait fait perdre, la Vierge Marie nous l’a rendu. La vierge Eve nous avait donné la mort, la Vierge Marie nous a donné notre Sauveur. La saine et droite raison a donc voulu que le nouvel Adam fût sauvé par les mêmes voie ; que celles par lesquelles le premier homme avait péri.

  1. Psa. 67, 19 ; Eph. 4, 8
  2. 1Ti. 1, 15
  3. Jn. 1, 10.
  4. Mat. 28, 19-20
  5. Act. 1, 11
  6. Psa. 49, 3
  7. Jn. 1, 10
  8. Jn. 1, 29.
  9. Gen. 1, 26.