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de Dieu nous a donné l’existence humaine ; par l’autre, il a daigné faire de nous ses héritiers ; c’est par l’effet de celle-là que tous les hommes viennent en ce monde, c’est par l’effet de celle-ci que tous les justes régneront dans le ciel. Comme conséquence de la première, nous sommes ses créatures et nous tenons de lui la vie ; comme conséquence de la seconde, ceux qu’il a rachetés entreront en possession de la béatitude éternelle.

8. O homme, remarque donc attentivement de quels bienfaits Dieu le Fils t’a comblé, quoique tu en fusses indigne ! Tu étais égaré, et il t’a cherché ; tu étais perdu, il t’a retrouvé ; tu t’étais vendu, il t’a racheté ; tu t’étais arraché la vie, il te l’a rendue. Voilà les faveurs qu’il t’a accordées en venant en ce monde, et il te les a accordées toutes d’une manière entièrement bénévole ; car il n’a trouvé en toi ni le mérite d’aucune bonne œuvre, ni même un commencement de bonne volonté. Quand nous songeons aux bienfaits de Dieu, nous n’en apercevons pas d’autre cause que la grâce d’en haut : nos bonnes œuvres y sont pour rien. En effet, mes très-chers frères, quel bien avions-nous fait pour mériter cette faveur singulière qu’un vrai Dieu se fit pour nous un vrai homme, que le Fils, par nature coéternel au Père, voulût naître d’une Vierge dans le temps, que le Très-Haut s’humiliât, que Celui qui nourrit incessamment les anges demandât sa nourriture aux mamelles d’une femme, que le Dieu infini fût placé dans une crèche étroite, que le Roi de tous les siècles fût abreuvé d’outrages, que Celui qui justifie subît une injuste condamnation, que Celui en qui ne se trouve aucun péché fût compté au nombre des pécheurs, que l’Auteur de la vie fût conduit à la mort avec des brigands, et qu’il mourût, non-seulement avec des scélérats, mais même pour des scélérats ? C’est pourtant un fait attesté par l’Apôtre, que « le Christ est mort pour des impies[1] ». Mais a-t-il pu naître pour des justes, Celui qui a daigné mourir pour des impies ?

9. Il n’y a donc qu’un seul et même Christ, qui réunit véritablement en lui les deux natures, vrai Dieu et vrai homme, vraiment né du Père et vraiment né d’une Mère, appartenant d’une manière incontestable à l’éternité et au temps, possédant indubitablement l’immortalité et subissant réellement les coups de la mort, vraiment privé de vie et ressuscité effectivement. Voilà le grand mystère de piété ! Dieu le Fils a été, selon la chair, livré pour nos péchés, et, selon la chair encore, il est ressuscité pour notre justification. Et parce que le même Fils de Dieu a commencé, en naissant, l’œuvre de notre rédemption qu’il a achevée en mourant pour nous, nous vous annonçons à tous, au jour où nous célébrons la nativité du Sauveur, celui de sa résurrection, tant Notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles avec le Père et l’Esprit-Saint, a eu hâte d’opérer notre salut ! Ainsi soit-il.

TRENTIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR. X

ANALYSE. —1. Étonnants mystères renfermés dans la naissance du Christ. —2. Un grand nombre de prodiges, sorte de prélude de ses miracles à venir, ont précédé la naissance du Sauveur. —3. Motifs pour lesquels les Mages ont recherché et adoré ce roi des Juifs préférablement à tous autres.

1. Le Christ vient au monde, aussi le cœur des hommes est-il inondé de joie. Le Créateur du genre humain sort du sein d’une jeune fille, et des entrailles, restées vierges de tout

  1. Rom. 5, 6.