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malgré toi. Il faut que les temps soient durs : pourquoi ? Pour qu’on ne recherche pas le bonheur de ce monde. Il faut, et c’est là notre véritable remède, il faut que cette vie-ci soit agitée, pour qu’on s’attache à l’autre vie. Comment ? On se complaît encore si nonchalamment dans la possession des biens de la terre et dans la fréquentation de l’amphithéâtre ! Que serait-ce donc, si Dieu ne flagellait de pareils écarts ? Hé quoi ! tant d’amertumes empoisonnent notre existence, et le monde plaît encore si vivement !

9. Où se verront, au dernier jour, les sages de ce monde ? Où se verra l’avare ? l’adultère ? l’impie ? l’ivrogne ? le blasphémateur ? Que pourront alléguer, pour leur défense, tous ces malheureux ? Nous ne savions pas que vous étiez Dieu ; nous ne vous avons ni vu ni entendu ? Des prophètes ne sont point venus en votre nom ; vous n’avez pas donné de lois au monde ; nous n’avons rencontré aucun patriarche ; nul livre ne nous a fait connaître les exemples des saints ; votre Christ n’a point paru sur la terre ? Est-ce que Pierre a gardé le silence ? Paul a-t-il refusé de prêcher ? Il ne s’est présenté ni évangéliste pour nous instruire, ni martyrs pour nous servir de modèles ; personne ne nous a prédit le jugement à venir ; personne ne nous a commandé de vêtir celui qui est nu, de résister à nos passions, de lutter contre l’avarice ? Nous avons péché sans le savoir : pour tout ce que nous avons fait dans l’ignorance, nous obtiendrons indulgence et pardon ? Le juste Noé se lèvera alors contre eux du milieu de l’assemblée des saints ; il sera le premier à réclamer, et que dira-t-il ? Seigneur, je leur ai parlé de vous, pour les empêcher de périr dans les eaux du déluge à cause de leurs crimes, et afin qu’ils sussent bien que l’innocence les sauverait, mais que le péché serait la cause de leur perte. Après lui viendra Abraham : Je suis, dira-t-il, le père des nations ; tous les autres devaient prendre exemple sur moi ; eh bien ! Seigneur, je n’ai pas hésité un instant à vous offrir, comme victime, Isaac mon fils bien-aimé ; ils ont donc pu savoir qu’ils devaient vous offrir dévotement et volontiers leurs vœux. Sur votre ordre, Seigneur, j’ai quitté mon pays et ma famille pour leur servir de modèle et les porter ainsi à devenir étrangers aux méchancetés de ce monde, aux iniquités du siècle. Puis le bienheureux Moïse se présentera et dira Moi, j’ai dit : « Tu ne forniqueras point[1] », afin de faire disparaître le libertinage des fornicateurs. Moi, j’ai dit : « Tu ne convoiteras pas[2] », afin de mettre un frein à l’avarice. Moi, j’ai dit : « Tu aimeras ton prochain[3] », pour établir parmi eux le règne de la charité. Moi, j’ai dit : « Tu ne serviras que le Seigneur ton Dieu[4] », pour empêcher ces hommes d’offrir des sacrifices aux idoles. Moi, j’ai dit : « Que personne ne prononce un faux témoignage[5] », afin que leur bouche fût toujours fermée au mensonge. Ensuite, on, entendra David : Seigneur, je vous ai annonce par tous moyens : j’ai crié de tous côtés qu’il faut vous servir et ne servir que vous. J’ai dit : « Bienheureux l’homme qui craint le Seigneur[6]. Les saints se réjouiront dans le séjour de la gloire[7]. Les désirs des pécheurs s’évanouiront[8] ». N’auraient-ils pu s’instruire et cesser de commettre l’iniquité ? Bien que je fusse revêtu de la puissance royale, j’ai prié dans un lit, étendu sur la cendre et couvert d’un cilice : à mon exemple, ces pécheurs ne devaient-ils point pratiquer la mansuétude et l’humilité ? J’ai épargné les ennemis qui me persécutaient ; c’était leur enseigner à se montrer indulgents. À la suite de David paraîtra Isaïe, qui dira : Seigneur, vous leur avez parlé par ma bouche : « Malheur à vous, qui joignez toujours à votre maison une maison nouvelle, et qui étendez à vos champs sans mesure[9] ». Vous vouliez arrêter leur cupidité. Je, leur ai affirmé que leurs péchés attireraient sur eux votre colère : par là, j’espérais les détourner du mal, sinon par l’espoir des récompenses, du moins par la crainte des supplices. Enfin, ils entendront le Christ en personne : Je vous ai promis le royaume des cieux, leur dira-t-il ; je vous ai donné pour modèle l’un d’entre vous, car j’ai placé au paradis un larron qui m’a publiquement reconnu, une heure seulement avant de mourir : je vous l’ai donné comme exemple, afin que vous imitiez du moins cet homme, qui a mérité, par sa foi, la rémission de ses iniquités. J’ai enduré pour vous toutes les tortures de ma passion : après cela, auriez-vous dû hésiter de souffrir ce que votre Dieu avait souffert pour vous ? Votre foi devait

  1. Exo. 20, 11
  2. Id.17.
  3. Lev. 19, 18.
  4. Deu. 6, 13.
  5. Exo. 20, 16.
  6. Psa. 111, 1.
  7. Id. 149, 5
  8. Psa 111, 10
  9. Isa. 5, 8.