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la musique, les jeux de flûte, les danses des acteurs ! Tu veux faire un mauvais usage de ce que tu désires ? Alors, tu n’obtiendras rien. Écoute l’Apôtre, voici ce qu’il dit : « Vous désirez sans fin, et vous n’obtenez rien ; vous tuez et vous portez envie ; vous disputez, vous faites la guerre, vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, ne cherchant qu’à satisfaire vos passions[1] ». Guérissons-nous, mes frères, corrigeons-nous. Le juge viendra, et parce qu’il ne vient pas encore, on se moque de lui : il viendra, et alors il ne sera plus temps de s’en moquer. Mes frères bien-aimés, corrigeons-nous, car des temps meilleurs surviendront, mais ce ne sera point pour ceux qui vivent mal. Déjà le monde décline et tourne à la décrépitude. Reviendrons-nous à la jeunesse ? Qu’avons-nous à espérer maintenant ? Ne cherchons plus rien désormais. N’espérez plus d’autres temps que ceux dont nous parle l’Évangile. Ils ne sont point mauvais en raison de la venue du Christ ; mais parce qu’ils étaient durs et difficiles, le Christ est venu pour nous consoler.

8. Écoutez, mes frères : les temps devaient être nécessairement durs et mauvais : que ferions-nous donc, si le grand Consolateur n’était venu nous visiter ? Depuis Adam, le genre humain était gravement malade : il doit l’être jusqu’à la consommation des siècles. Du moment que nous sommes venus en ce monde et que nous avons été chassés du paradis, il y a évidemment maladie ici-bas ; mais à la fin, cette maladie devait empirer à tel point qu’elle pouvait amener une crise favorable pour les uns, et, pour plusieurs, se terminer par la mort. Le genre humain était donc malade, aussi le médecin par excellence s’est-il approché de lui et l’a-t-il trouvé couché dans un lit immense, c’est-à-dire dans le monde entier. Un homme de l’art, gui s’y entend, tonnait les diverses phases de la maladie ; il fait ses remarques, il prévoit ce qui arrivera, et, quand le mal n’en est encore qu’à son début, il se contente d’envoyer, auprès de l’infirme, ses serviteurs ; ainsi notre médecin a-t-il agi à notre égard : il a, d’abord, confié à ses Prophètes la mission de nous visiter. Ces hommes ont parlé, prêché, et, par leur intermédiaire, Dieu a porté remède à une partie de nos maux, et les a guéris. Les Prophètes ont prédit une recrudescence du mal, qui devait le porter à son comble, et une grande agitation du malade ; en conséquence, ils ont déclaré que la visite dit médecin lui-même était devenue indispensable, qu’il fallait le faire venir. C’est ce qui a eu lieu, car le Seigneur a dit : Celui qui croit en moi, je le rétablirai, je le sauverai, je le blesserai et le guérirai[2] ». Il est venu, il s’est fait homme, il est entré en partage de notre condition mortelle, afin que nous puissions devenir participants de son immortalité. Le malade est encore agité ; lorsque, dans les ardeurs de la fièvre, sa respiration devient courte, et qu’il brûle intérieurement, il s’écrie : C’est depuis que ce médecin est venu, que les accès de fièvre sont devenus plus violents ; je me sens plus cruellement tourmenté : c’est un feu intolérable. D’où m’est-il venu ? Il n’est pas entré pour mon bien dans ma maison. Ainsi parlent tous ceux qui sont attaqués de vanité. Pourquoi la vanité les rend-elle malades ? C’est qu’ils ne consentent pas à recevoir de la main du Christ la potion de la sobriété. Dieu a vu les hommes s’agiter misérablement sous l’étreinte de leurs désirs et dans les divers soins de ce monde qui tuent leur âme ; alors il s’est approché d’eux comme un médecin, pour apporter un remède à leurs maux ; et ils ne craignent pas de dire : C’est du moment où le Christ est venu, que nous avons eu de pareils maux à supporter ; c’est depuis qu’il y a des chrétiens, que le monde décline en toutes choses. Malade insensé ! Non, ce n’est pas à cause de la visite du médecin que ton mal a empiré ! Ce médecin est bon, charitable, juste, miséricordieux ; il a prévu ta maladie, mais il n’en est pas l’auteur. Il s’est approché de toi pour te consoler, pour te rendre vraiment sain. Que t’enlève-t-il ? Rien, que le superflu. Tu soupirais après des choses nuisibles : c’était là le seul objet de tes désirs. Tout ce que tu demandais ne pouvait qu’augmenter ta fièvre. Un médecin est-il cruel, pour arracher des mains d’un malade des fruits capables de lui faire du mal ! Qu’est-ce que le Christ t’a arraché ? La fausse sécurité que tu voulais prendre, rien de plus : corrige tes goûts dépravés. Ce qui te fait gémir et murmurer, voilà ce qu’il te destine comme remède à tes maux. Prends-y garde ; si tu ne veux pas qu’il te guérisse, tu souffriras

  1. Jac. 4, 2-3.
  2. Deu. 32, 39