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au temps marqué ? Je vous dis en vérité qu’il l’établira sur tous ses biens[1] ».

10. « Ils amassèrent donc, et remplirent douze corbeilles des morceaux des cinq pains d’orge, qui étaient restés après que tous en eurent mangé[2] ». Ici, le miracle opéré par le Sauveur devient plus surprenant. Ce serait déjà un grand miracle d’avoir nourri cinq mille hommes avec cinq pains, lors même qu’il n’y aurait rien de reste ; mais voici un prodige digne de toute admiration ! Non-seulement cinq mille hommes ont été rassasiés avec cinq pains, mais encore il est resté du repas tant de débris qu’on en a rempli douze corbeilles. Le nombre douze a aussi une signification mystérieuse, car les douze corbeilles représentent, non sans raison, les douze Apôtres. Une corbeille se fait avec des baguettes de bois tout commun et très-minces ; ainsi en a-t-il été des Apôtres : ils ont été choisis, non point parmi les rois et les princes, non point parmi les philosophes et les sages de ce monde, mais parmi les simples et les pêcheurs, comme les baguettes qui servent à tresser une corbeille sont des plus communes et toutes petites. En parlant d’eux, Paul n’a-t-il pas dit : « Dieu a choisi les faibles selon le monde, pour confondre les forts ?[3] » Il y a une autre raison qui rend plus parfaite la similitude entre les Apôtres et des corbeilles. Dans des corbeilles, on met l’engrais que l’on veut porter sur une terre aride, afin de la rendre plus fertile ; de même, les Apôtres, remplis de la graisse de l’Esprit-Saint, ont porté la grâce qu’ils avaient reçue dans une terre aride, c’est-à-dire dans le cœur des gentils, afin d’y répandre la fécondité. Par là devait s’accomplir cet oracle du Prophète : « Le désert même s’embellira de fécondité, les collines se revêtiront de joie les pâturages se sont couverts de troupeaux, et les vallées de moissons[4] ».

11. « Or, tous ayant vu le miracle que Jésus avait fait, disaient : Celui-ci est véritablement le Prophète qui doit venir dans le monde[5] ». C’est avec raison que l’Évangéliste appelle hommes ceux qui parlaient ainsi, car leur appréciation était purement humaine. En effet, à la vue d’un pareil miracle, d’un prodige si étonnant, ils auraient dû dire : Celui-ci est vraiment le Fils de Dieu qui est venu dans le monde ; mais, parce qu’ils étaient des hommes et qu’ils raisonnaient en hommes, ils se taisaient sur sa qualité du Fils de Dieu et se contentaient de le déclarer prophète. Néanmoins, en le proclamant tel, ils ne se trompaient pas du tout au tout ; en effet, il a lui-même dit à son propre sujet : « Un prophète n’est sans honneur que dans son pays et dans sa maison[6] ». Et encore : « Il ne convient pas qu’un prophète meure ailleurs qu’à Jérusalem [7] ». Pour nous, évitons l’erreur où ils sont tombés ; le Sauveur nous a enseigné la vérité, nous avons été instruits par l’Esprit-Saint ; confessons-le donc avec Pierre. « Celui-là est le Fils du Dieu vivant[8] », qui est venu en ce monde à cause de nous et pour notre salut, et qui reviendra pour juger les vivants et les morts.

QUINZIÈME SERMON. SUR CES PAROLES DE L’ÉVANGILE SELON SAINT JEAN (VIII, 1,12) : « JÉSUS VINT EN LA MONTAGNE DES OLIVIERS, ET, AU COMMENCEMENT DU JOUR, IL PARUT DE NOUVEAU DANS LE TEMPLE, ET TOUT LE PEUPLE VINT VERS LUI ; ET, S’ÉTANT ASSIS, IL LES INSTRUISAIT ». LA FEMME ADULTÈRE.

ANALYSE. —1. La miséricorde de Dieu est rappelée parce fait que le Christ est venu sur la montagne des Oliviers et qu’il a paru dans le temple au commencement du jour. —2. Le Christ s’assied ; par là, il fait voir combien il s’est humilié en se faisant

  1. Mat. 24, 45-47
  2. Jn. 6, 13
  3. 1Co. 1,27
  4. Psa. 64, 13,14
  5. Jn. 6, 14
  6. Mat. 13, 57
  7. Luc. 13, 33
  8. Mat. 16, 16