Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/650

Cette page n’a pas encore été corrigée

la Sagesse nous lisons : « O hommes, c’est vers vous que je crie[1] » ; en d’autres termes Ceux dont l’esprit est amolli et hésitant comme l’esprit d’une femme ne peuvent entendre mes paroles. De là aussi ces paroles écrites à la louange de Joseph au sujet de son courage et de sa constance au milieu des tribulations qu’il eut à souffrir en Égypte « Dieu envoya devant eux un homme[2] ». Au rapport de l’Évangile, il ne s’est donc rencontré que des hommes à ce festin donné par le Christ ; nous trouvons, dans cette circonstance, un mystérieux avertissement ; le voici : Si nous désirons « goûter combien le Seigneur est doux[3] », soyons des hommes, c’est-à-dire, soyons fermes à repousser les suggestions du démon. L’Apôtre nous le recommande, car il nous dit : « Agissez avec courage ; fortifiez-vous de plus en plus ; que toutes vos œuvres soient faites avec amour[4] ». L’ange de l’Apocalypse tient le même langage : « Soyez courageux dans le combat, et luttez contre l’antique serpent ». Toutefois, les femmes ne seront point exclues de ce banquet du Seigneur, si, malgré leur sexe, elles savent se montrer fermes au milieu des tentations ; par la raison contraire, il en sera tout autrement de l’homme qui, en dépit de son sexe, montrera un caractère de femme, deviendra mou pour la lutte avec le diable, et ne fera preuve d’aucune énergie dans sa conduite. C’est à de tels hommes que s’adresse ce reproche : « Des efféminés les domineront[5] ». L’Évangéliste rapporte avec à propos que les convives étaient au nombre de cinq mille, car ce chiffre est la perfection du nombre cinq. En effet, ce nombre est précisément celui de nos sens, qui sont : la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat et le tact. Nous devons donc exercer sur nos sens une surveillance active, si nous voulons être admis au festin du Sauveur. Préservons nos yeux de tout regard défendu, pour qu’ils ne tombent point sur des objets dangereux ; car voici ce qu’a dit Jésus-Christ : « Quiconque aura regardé une femme pour la convoiter, a déjà commis l’adultère dans son cœur[6] ». Nous lisons encore ceci en un autre endroit : « Tu ne convoiteras point le bien de ton prochain[7] ». Alors nous pourrons répéter ces paroles de Job. « J’ai fait un pacte avec mes yeux pour ne pas même penser à une vierge[8] ». Pour en arriver là, prions sans cesse avec le Prophète, et disons comme lui : « Détournez mes yeux pour qu’ils ne regardent pas la vanité[9] ». Veillons sur nos oreilles, afin qu’elles n’entendent pas avec plaisir des paroles de malédiction, de détraction, de fausseté, de polissonnerie ; afin, au contraire, qu’elles soient toujours ouvertes pour entendre la divine parole ; ainsi pourrons-nous dire avec Job : « Seigneur, mes oreilles vous ont entendu parler[10] ». C’est pourquoi le Prophète nous donne cet avertissement : « Place des épines autour de tes oreilles pour qu’elles n’entendent point les discours des détracteurs[11] », Détournons notre odorat de toutes les senteurs coupables, car les attraits de certaines odeurs pourraient nous entraîner au péché ; puisse plutôt se vérifier en nous cette parole de l’Apôtre : « Soyons partout, devant Dieu, la bonne odeur de Jésus-Christ[12] ». Détournons notre langue de la malédiction, de la détraction, du mensonge, des murmures, de tout discours inutile ; et, pour mieux garder le silence, abstenons-nous parfois des entretiens même honnêtes, selon cette parole du Prophète « J’ai dit : Je veillerai sur mes voies pour ne pas pécher dans mes paroles ; j’ai mis un frein à ma bouche, et je me suis tenu en silence, et je me suis humilié, et je n’ai point dit le bien que je pouvais[13] ». « Car », dit Salomon, « la vie et la mort se trouvent au pouvoir de la langue[14]. Et celui qui garde sa bouche et sa langue, préserve son âme des angoisses[15] ». Si nous ne mettons pas un frein à notre envie de parler, nous entachons, en quelque sorte, toute notre religion ; car, au dire de l’Apôtre, « les mauvais entretiens corrompent les bonnes mœurs[16] » ; et, selon Jacques : « Si quelqu’un d’entre vous croit avoir de la religion et ne met pas un frein à sa langue, mais séduit lui-même son cœur, sa piété est vaine[17] ». Empêchons nos mains de répandre le sang, de frapper et de blesser le prochain ; qu’elles soient toujours prêtes à distribuer des aumônes, toujours empressées à faire ce qui est bien, afin que nous puissions dire avec le Prophète : « Je laverai mes mains parmi les justes,

  1. Pro. 8, 4
  2. Psa. 104, 17
  3. Id. 33, 2
  4. 1Co. 16, 13-14
  5. Isa. 3, 4
  6. Mat. 5, 28
  7. Exo. 20, 17
  8. Job. 31, 1
  9. Psa. 118, 37
  10. Job. 42, 5
  11. Ecc. 28, 28
  12. 2Co. 2, 15
  13. Psa. 38, 1-2
  14. Pro. 18, 21
  15. Id. 20, 23
  16. 1Co. 15, 33
  17. Jac. 1, 28