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quel champ de froment a-t-il rencontré sans y répandre cette semence pernicieuse ? Est-ce qu’il l’a répandue parmi les laïques, et non point parmi les clercs, ou parmi les évêques ? L’a-t-il répandue parmi les époux, et non point parmi les vierges consacrées à Dieu ? Dans les maisons des laïques, et non point dans les familles monacales ? Il a répandu partout, il a semé partout cette semence maudite. Citez-moi une terre qui en soit exempte ? Mais ce qui doit nous consoler de tout le reste, c’est que Celui qui daignera opérer la séparation est incapable de se tromper. Votre charité n’ignore pas que l’ivraie se rencontre jusque dans les moissons les plus élevées et les plus sublimes, même parmi les personnes qui ont embrassé la vie religieuse ; et vous dites. Il y a des hommes pervers dans cet endroit, et encore dans cet autre. Oui, sans doute, il se rencontre partout des hommes pervers, mais les méchants ne régneront pas toujours avec les bons. Pourquoi vous étonner de rencontrer des hommes pervers dans le lieu saint ? Ne savez-vous pas que le premier péché fut un acte de désobéissance accompli dans le Paradis ? L’ange tomba par un acte de ce genre, est-ce qu’il souilla le ciel pour cela ? Adam tomba de la même manière : est-ce qu’il souilla le Paradis ? Un des enfants de Noé tomba à son tour, est-ce que la maison du Juste fut souillée pour cela ? Quand enfin Judas est tombé, est-ce que sa chute a souillé le chœur des Apôtres ? Parfois aussi les hommes considèrent comme froment ce qui est en réalité de l’ivraie, et d’autres fois ils considèrent comme ivraie ce qui est du froment véritable. C’est à cause de ces mystères cachés que l’Apôtre dit : « Ne jugez de quoi que ce soit avant le temps, jusqu’à ce que le Seigneur vienne et expose à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres ; au jour où il manifestera les pensées les plus secrètes du cœur, et alors chacun recevra de Dieu sa louange[1] ». La louange sortant de la bouche des hommes passe ; parfois aussi les hommes accusent les saints sans les connaître. Que le Seigneur pardonne aux ignorants et vienne au secours de ceux qui souffrent.

SIXIÈME SERMON. SUR CES PAROLES DE L’ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU (XIV, 1,2). « HÉRODE LE TÉTRARQUE ENTENDIT LE BRUIT DE LA RENOMMÉE DE JÉSUS, ET IL DIT A SES SERVITEURS : « C’EST JEAN-BAPTISTE, C’EST LUI-MÊME QUI EST RESSUSCITÉ D’ENTRE LES MORTS, ET VOILA POURQUOI DES MIRACLES S’OPÈRENT PAR LUI, ETC. » LE MARTYRE.

ANALYSE.—1. Jean-Baptiste a été martyr.—2. Nous pouvons tous être martyrs avec lui. —3. Il ne faut point craindre un ennemi, alors même qu’il nous menace de la mort.—4. Ce n’est point le supplice, mais la cause pour laquelle on meurt, qui fait le martyr. —5. Il faut résister au démon et combattre pour la vérité jusqu’à la mort. —6. Exhortation à bien vivre.

1. Ce chapitre du saint Évangile que le Seigneur a daigné nous enseigner, mes bien chers frères, ne permet pas à l’Église chrétienne de douter en aucune manière que Jean doive être considéré comme un martyr et qu’il ait mérité cette couronne avant la passion du Seigneur. Sa naissance, sa passion ont été antérieures à la passion du Christ, et toutefois il n’a pas été l’auteur de notre salut, mais seulement le précurseur de notre Juge. Il précédait le Seigneur en s’attribuant à lui-même une humble sujétion et en réservant à son Maître céleste tout honneur et toute gloire. Mais pourquoi disons-nous que

  1. 1Co. 4, 5