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QUATRIÈME SERMON. SUR CES PAROLES DE L’ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU (VIII, 14) : « JÉSUS, ÉTANT ENTRÉ DANS LA MAISON DE PIERRE, VIT LA BELLE-MÈRE DE CELUI-CI ÉTENDUE SUR SA COUCHE ET ATTEINTE DE LA FIÈVRE ». GUÉRISONS ET DISCIPLES.

ANALYSE. —1. La belle-mère de Pierre, modèle d’infidélité. —2. Que signifient les guérisons accomplies sur le soir ? —3. Pourquoi le Sauveur ordonne-t-il aux Apôtres de passer vers l’autre rivage ? —4. Du scribe qui veut s’attacher au Christ et le suivre partout où il ira.—5. En quel sens il a été dit : « Laissez les morts ensevelir leurs morts ».

1. L’attachement de la belle-mère de Pierre à l’infidélité est considéré comme coupable, parce qu’il était un effet de sa libre volonté nous avons, nous aussi, une volonté libre qui s’identifie avec l’essence même de notre être. Le Seigneur donc entre dans la maison de Pierre, c’est-à-dire dans le corps de Pierre, et cet homme est guéri aussitôt de son infidélité, c’est-à-dire de ses péchés. En proie à la fièvre brûlante de l’iniquité, la belle-mère de Pierre était vouée à une mort prochaine et inévitable : à peine a-t-elle reçu sa guérison également soudaine et imprévue, qu’elle s’empresse de faire l’office de servante. Pierre, en effet, a reçu le premier le bienfait de la foi, il est devenu le prince des Apôtres, et la parole de Dieu ayant ranimé en lui une ardeur et une énergie qui allaient s’éteignant chaque jour de plus en plus, il se dévoue avec un zèle admirable au grand œuvre de la guérison et du salut de ses frères. Quand le moment sera venu d’interpréter le passage relatif à la belle-fille et à la belle-mère, nous démontrerons que l’attachement volontaire à l’infidélité est bien réellement figuré ici par la maladie de la belle-mère de Pierre ; présentement nous parlerons de l’infidélité de celle-ci sans vouloir, par ce mot, désigner autre chose, sinon que cette femme, tant qu’elle n’eut pas la foi, demeura tristement esclave de sa propre volonté.

2. « Le soir étant venu, on lui présenta un grand nombre de démoniaques, et il chassait les esprits immondes[1] ». Dans ces guérisons multiples accomplies après la chute du jour, nous reconnaissons le concours de ceux que le Sauveur enseigna après sa Passion. Après avoir procuré à tous le pardon de leurs péchés, après avoir effacé la souillure de leurs iniquités et éteint le foyer des convoitises coupables et des inclinations dangereuses, il a, suivant l’expression des prophètes, absorbé et fait disparaître les infirmités et les faiblesses de la nature humaine.

3. « Or, Jésus voyant autour de lui une foule nombreuse, ordonna à ses disciples de passer vers le rivage opposé. Et un scribe s’approchant de lui : Maître, lui dit-il, je vous suivrai partout où vous irez, etc.[2] ». Il se présente fréquemment des passages qui peuvent alarmer plus ou moins notre manière ordinaire de juger, et nous n’avons pas alors la témérité de donner à ces passages une interprétation puisée dans notre imagination, mais notre exégèse est basée uniquement sur les faits et sur les circonstances des faits. Car notre intelligence doit s’accommoder aux choses, et non pas les choses à notre intelligence. Il y a une foule nombreuse, et le Seigneur ordonne à ses disciples de passer de l’autre côté de la mer ; je ne pense pas que la bonté du Sauveur lui eût permis de chercher à abandonner ceux qui se pressaient autour de sa personne ; je crois, au contraire, que dans cette circonstance il avait en vue quelque moyen secret de leur procurer la grâce du salut. Nous voyons ensuite un scribe déclarant hautement qu’il suivra le Maître partout où il ira ; et nous ne découvrons de la part du Sauveur ni la moindre action, ni la moindre parole, qui

  1. Mat. 8, 16
  2. Mat. 8, 18-19