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l’avarice, la vaine gloire, la colère, l’envie, la luxure et la haine. Nous omettons d’en parler d’une manière plus expresse, car la plupart de ceux qui ont traité de la parole divine nous ont laissé à cet égard une foule de réflexions ; pour le moment, il nous suffira d’affirmer ceci : c’est que quiconque aura négligé de les combattre, quiconque, avec l’aide de Dieu, ne les aura pas vaincues, ne pourra jamais ni triompher dans les luttes spirituelles, ni, par conséquent, mériter la couronne de la victoire : « On ne sera couronné qu’après avoir combattu vaillamment[1] ».
3. Voilà bien les nations que Moïse ordonnait au peuple israélite de faire disparaître de la surface de la terre, sans avoir jamais contracté avec elles aucune alliance ! Il s’exprimait ainsi : « Lorsque le Seigneur, ton Dieu, t’aura introduit dans la terre que tu vas posséder, et qu’il aura exterminé plusieurs nations devant toi, les Héthéens, les Gergézéens, les Amorrhéens, les Chananéens, les Phérézéens, les Hévéens et les Jébuzéens, sept nations beaucoup plus nombreuses et plus puissantes que toi, et que le Seigneur, ton Dieu, te les aura livrés, tu les frapperas jusqu’à la mort. Tu ne feras pas d’alliance avec eux et tu n’auras pas pitié d’eux[2] ». Vous venez de l’entendre, frères bien-aimés, le Dieu tout-puissant a livré en nos mains les nations acharnées à notre perte, et, par une disposition particulière de sa providence, il les a fait disparaître de devant nous. Pourquoi, alors, dégénérer et croupir dans la langueur ? Pourquoi ne pas nous saisir de la victoire qui nous est envoyée du ciel ? Puisque le Seigneur a décrété la défaite de nos ennemis, pourquoi ne point nous acquitter de la part d’action qui nous est dévolue ? Si nous pesons bien les unes après les autres toutes les paroles précitées, nous voyons que, dans les desseins de l’Éternel, ces nations sont déjà jetées par terre et qu’il nous ordonne de les frapper et de les détruire nous-mêmes. Voici les termes dont se sert Moïse : « Lorsque le Seigneur, ton Dieu, t’aura introduit dans la terre que tu vas posséder, et qu’il aura exterminé les nations » ; puis il ajoute bientôt : « Tu les frapperas ». De là, il est plus clair que le jour que, dans sa prescience, le Dieu tout-puissant en a déjà fini avec nos adversaires ; mais il a décidé que leur extermination se fera par notre intermédiaire. Il combat lui-même et il nous invite à vaincre. Il détruit les forces ennemies, et il nous réserve l’honneur du triomphe. Il veut que son courage nous fasse remporter la victoire, afin de pouvoir accorder à nos succès la couronne de myrte. Ne laissons donc pas notre courage se briser sous l’effort du désespoir, puisque la force d’en haut nous exhorte vivement à lutter avec énergie. Que la faiblesse inhérente à la nature humaine ne vienne en rien nous arrêter, puisque nous combattrons sur l’ordre de Dieu et appuyés sur son autorité. Écoutons, comme s’appliquant à nous, ces paroles adressées aux Israélites par Moïse : « Ne crains point, mais souviens-toi de ce qu’a fait le Seigneur, ton Dieu, contre Pharaon et tous les Égyptiens, et de ces grandes plaies que tes yeux ont vues, et de ces prodiges, et de ces miracles, et de cette puissante main, et de ce bras étendu pour te tirer de l’Égypte. Ainsi tu traiteras tous les peuples que tu redoutes[3] ». Pourquoi donc nous défier de notre faiblesse, quand nous avons pour éclaireur et pour guide dans nos luttes Celui-là même qui inspire le courage ? Il suscite le combat, il nous y mène, il nous promet le succès, et il ne nous l’accorderait pas ! Il y est tenu. Que notre âme s’enflamme donc d’une ardeur guerrière ; qu’elle se précipite sur le champ de bataille, pour mettre en déroute les masses ennemies, puisque les lâches eux-mêmes brûlent du feu des combats ! Pas d’alliance entre nous et nos adversaires ! Pas d’arrangements qui nous forcent à la paix !
4. Ne pas aller au combat, c’est une honte ; y aller et agir avec mollesse, c’est s’exposer à un danger certain de mort. « Mieux vaut, en effet, ne pas connaître la voie de la justice, que de retourner en arrière après l’avoir connue[4] ». Plusieurs, ayant reçu l’instruction nécessaire pour exercer le métier des armes spirituelles, tombent dans une telle tiédeur d’âme, deviennent si mous que, s’ils ont encore la force de ne pas faire le mal, ils n’ont pas le courage de travailler à leur avancement dans le bien. Pour eux, le moindre des soucis est de vaincre la faim par la diète, de résister aux plaisirs de la table, de supporter les rigueurs du froid, de s’imposer les veilles

  1. 2Ti. 2, 5
  2. Deu. 7, 1,2
  3. Deu. 7, 18-19
  4. 2Pi. 2, 21