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VINGT-DEUXIÈME SERMON. POUR LA FÊTE DES SAINTS INNOCENTS. I

ANALYSE. —1. Le martyre de ces enfants est un hymne admirable chanté à la louange du Christ naissant. —2. Parallèle du Christ naissant et des saints innocents. —3. Hérode, joué par les mages, met le comble à sa méchanceté.


1. L’indulgence du Sauveur ne connaît pas de bornes ; les expressions manquent pour en donner une juste idée. Il habite au plus haut des cieux, et pour les hommes qui ne méritaient de sa part aucune pitié, il s’est revêtu d’un corps de boue. N’allez pas croire, néanmoins, que le Créateur des anges se soit renfermé tout entier dans les étroites limites du sein d’une Vierge. Celui des mains duquel le monde est sorti, a voulu briser les mailles du filet où l’ennemi du genre humain nous retenait tous captifs ; il a voulu nous retirer de l’abîme d’iniquités où se trouvait plongée la race d’un père coupable ; c’est pourquoi le Fils de Dieu est venu au monde et s’est fait le restaurateur de tout le monde ; alors a retenti l’hymne de louanges que des enfants en bas âge lui ont chanté. C’est d’eux que le prophète David nous a parlé aujourd’hui dans tin de ses psaumes ; voici ses paroles : « Vous avez tiré la louange de la bouche des nouveau-nés et des enfants encore à la mamelle [1] ». L’admirable Prophète ! En tous temps se chantent les louanges de l’Éternel, et néanmoins il a voulu nous faire voir qu’à la fin des temps le martyre enduré pour le Christ, par de petits enfants, deviendrait un hymne chanté en son honneur. Car voilà bien ce qu’il en a dit au psaume : « Vous avez tiré la louange de la bouche des nouveau-nés et des enfants encore à la mamelle ». C’est du Christ que parle David, et il louange les enfants en même temps que le Christ. Il se fait le héraut de leur gloire, et annonce leurs souffrances à venir. Ils sont morts à la manière des martyrs, sans toutefois ressentir la douleur du supplice ; et malgré cela, ils ont ajouté à la joie des anges du ciel et contribué, pour leur part, à la victoire que le Roi de tous les siècles a remportée sur le monde. Celui qui a créé la Jérusalem céleste et qui y règne, est venu en ce monde, et une Vierge l’a enfanté sans rien perdre de sa pureté sans tache, sans contracter la moindre souillure ; alors, la Jérusalem de la terre est tombée dans le trouble, et on l’a vue faire, avec Hérode, une guerre insolite aux petits enfants, tandis que les Mages adoraient le Sauveur donné à l’univers. Les cris déchirants des mères s’élèvent jusqu’au ciel, les souffrances de leurs nouveau-nés procurent au monde une indicible et incommensurable joie, et à toute personne qui pleure, l’éclat de la gloire. Le monde compatit aux douleurs de ces petits martyrs, et les archanges sourient à leur triomphe : ils tombent sans défense sous les coups de leurs pères ; sans ressentir aucune souffrance, ils subissent pourtant l’empire de la mort ; mais ils vont au ciel, car ils ont été trouvés dignes d’en obtenir la possession en échange de leur vie terrestre.
2. Jérusalem céleste, réjouis-toi dans le Seigneur de ce que la Jérusalem de la terre est en proie au trouble avec ses tyrans. Jérusalem, Jérusalem, depuis longtemps enivrée du sang des Prophètes, tu as autrefois fait d’eux une injuste distinction pour les accuser, et maintenant tu cherches par tous les moyens à faire partager ta folie à Hérode et à lui persuader de détruire des enfants ! Dans les siècles passés, tu as fait mourir ceux qui annonçaient le Christ, et aujourd’hui que le Christ nous a, été donné, tu lui as trouvé un ennemi, puisque

  1. Ps. 8, 3