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supplices, et même à la mort, pour conserver notre tête, c’est-à-dire le Fils de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ.
2. Au moment où tous les membres de son corps perdaient leur tête, saint Jean-Baptiste, dont la grâce du Christ nous permet de célébrer aujourd’hui la nativité, se réjouissait de se reposer dans le sein de la Divinité toute parfaite. Entraîné par l’ardeur de ses passions, jusqu’à suivre, dans sa conduite, l’exemple des bêtes sauvages. Hérode avait souillé la couche de son frère : à ce moment-là, saint Jean, qui ne savait point taire la vérité, déclara formellement au roi que sa conduite était opposée à toutes les lois. Le roi avait fait des lois pour empêcher de pareils désordres, et il les enfreignait lui-même ! Si, par ses mœurs, il condamnait ses décrets et ses lois, les lois et le droit ne le condamneraient-ils pas à leur tour ? En ce temps-là donc, pour ne point se trouver sans cesse en butte aux publiques, indépendantes et légitimes protestations de saint Jean, le libertin couronné avait fait mettre la main sur lui et l’avait fait jeter dans une obscure prison, où la loi divine devait être son unique soutien. À cet événement vint s’en adjoindre un autre, l’anniversaire de la naissance de ce roi sacrilège : il réunit alors autour de lui les officiers et les grands personnages de son royaume, et il fit préparer un repas scandaleux pour ses compagnons de dévergondage sacrilège : en cette circonstance, la maison royale se transforma en cirque, si je puis m’exprimer ainsi.
3. La fille du roi se présente au milieu du festin, et, par ses mouvements désordonnés, elle foule aux pieds le sentiment de la pudeur virginale. Aussitôt, le père prend à témoins tous les compagnons de sa débauche, il jure par son bouclier, qu’avant de terminer sa danse joyeuse et ses valses, elle aura obtenu tout ce qu’elle lui aura demandé. La tête couverte de sa mitre, elle se livre, sur ce dangereux théâtre, aux gestes les plus efféminés que puisse imaginer la corruption ; mais voilà que tout à coup s’écroule le factice échafaudage de sa chevelure ; elle se disperse en désordre sur son visage : à mon avis, n’eût-elle pas mieux fait alors de pleurer que de rire ? Du théâtre où saute la danseuse, les instruments de musique retentissent ; on entend siffler le flageolet : les sons de la flûte se mêlent au nom du père, dont ils partagent l’infamie : sous sa tunique légère, la jeune fille apparaît dans une sorte de nudité ; car, pour exécuter sa danse, elle s’est inspirée d’une pensée diabolique : elle a voulu que la couleur de son vêtement simulât parfaitement la teinte de ses chairs. Tantôt, elle se courbe de côté et présente son flanc aux yeux des spectateurs ; tantôt, en présence de ces hommes, elle fait parade de ses seins, que l’étreinte des embrassements qu’elle a reçus a fortement déprimés ; puis, jetant fortement sa tête en arrière, elle avance son cou et l’offre à la vue des convives ; puis elle se regarde, et contemple avec complaisance celui qui la regarde encore davantage. À un moment donné, elle porte en l’air ses regards pour les abaisser ensuite à ses pieds ; enfin, tous ses traits se contractent, et quand elle veut découvrir son front, elle montre nonchalamment son bras nu. Je vous le dis, les témoins de cette danse commettaient un adultère, quand ils suivaient d’un œil lubrique les mouvements voluptueux et les inflexions libertines de cette malheureuse créature. O femme, ô fille de roi, tu étais vierge au moment où tu as commencé à danser, mais tu as profané ton sexe et ta pudeur ; tous ceux qui t’ont vue, la passion en a fait pour toi des adultères. Infortunée ! tu as plu à des hommes passés maîtres dans la science du vice ; je dirai davantage : pour leur plaire, tu t’es abandonnée à des amants sacrilèges !
4. O l’atrocité ! Le père lui-même se fait corrupteur de sa fille, et personne n’élève la voix contre lui ! J’entends protester contre toi, les lois, tes remords, et, aux yeux de ceux qui ont encore quelque respect pour la pudeur, la voix d’un mari ! Mais, je veux le juger moins sévèrement ; supposons qu’un reste d’honnêteté l’ait empêché de jeter sur sa fille des regards licencieux, il n’en reste pas moins évident qu’elle a dansé, et, à ce titre, son père l’a corrompue, et elle a conquis le cœur d’un incestueux. Il serait bien étonnant que la chasteté se montrât sous de pareils dehors ! O père, embrasse la femme de ton frère : mais tu as sacrifié un père à la passion du sang. Elle t’enseigne à faire tomber la tête de Jean, car tu méprisais les avertissements du martyr, et ne pouvais goûter le bonheur de la chaste innocence. O race ! O mœurs ! O nom ! O erreur sans remède ! c’est donc à juste titre que, comme le disent