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Mais enfin, où est Dacien ? Supposez vrai ce qu’on dit de lui, nous n’en savons rien ; si vous le regardez comme incertain, notes en savons encore moins. Mais quant à notre Vincent, ignorons-nous d’où il est sorti, où il est allé ? Comme il a couru, avec quelle dignité il a fourni sa carrière, de quelle manière il a persévéré, de quelle gloire il est environné depuis sa mort, nous le savons parfaitement, on nous l’a dit. Aussi nous sommes-nous réjouis de ce que nous avons combattu avec lui, de ce qu’en sa personne nous avons tous triomphé, sans avoir faibli devant les insultes du tyran, et même après avoir ri de sa défaite ; aussi nous sommes-nous félicités d’avoir appris qu’après la lutte, celui qui avait soutenu le combattant a couronné le vainqueur. N’est-il pas dit, en effet : « La mort de ses élus est précieuse aux yeux du Seigneur[1] ».

TROISIÈME SERMON. POUR LA NAISSANCE AU CIEL DU MARTYR QUADRAT[2].

ANALYSE. —1. Le bienheureux docteur est réjoui à la vue des fidèles, qu’il regarde comme ses compagnons de voyage.—2. Dieu déteste trois classes de personnes : celles qui restent à la même place, celles qui retournent en arrière, et celles qui suivent de faux chemins. —3. Nécessité de faire des progrès démontrée par l’exemple de Paul. —4. Cet apôtre l’explique en faisant connaître le chemin de la perfection. —5. Perfection du martyr Quadrat, indiquée par son nom même. —6. À Dieu nous devons au moins le même dévouement qu’au péché. —7. Nous devons faire mieux, à l’exemple de Quadrat. —8. Il faut confesser le Christ publiquement. —9. Le respect humain est à mépriser. —10. Cette crainte ridicule du monde empêche la conversion des païens. —11. Nous devons, craindre Dieu par-dessus tout, car il rougira de celui qui n’osera pas se déclare pour lui.
1. Tous ensemble nous rendons grâces au Seigneur notre Dieu de ce qu’il accorde la faveur, à nous de vous contempler, et à vous de nous voir. S’il suffit de nous apercevoir les uns les autres dans cette chair mortelle, pour que « notre bouche pousse des cris de joie » et que « notre langue chante des cantiques d’allégresse[3] », quel sera le sentiment de notre bonheur, lorsque nous nous rencontrerons dans ce séjour où nous ne craindrons point de nous voir séparés. L’Apôtre a dit « Réjouissons-nous dans notre espérance[4] ». Par conséquent, l’objet de notre joie, nous ne le possédons encore qu’en espérance, et nullement en réalité. « L’espérance qui verrait ne serait plus de l’espérance ; car comment espérer ce qu’on voit déjà ? Si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l’attendons par la patience[5] ». Si les voyageurs qui fournissent ensemble leur course se réjouissent de se trouver en compagnie les uns des autres, quel bonheur ils posséderont quand ils se verront tous réunis dans la patrie ! Les martyrs ont lutté pendant le cours de cette vie ; en luttant ils ont marché et ne se sont point arrêtés dans leur marche ; ceux qui aiment Dieu s’avancent vers lui, et pour courir à lui, nous nous servons, non de nos jambes, mais de nos cœurs.
2. Le chemin que nous avons à parcourir exige que nous marchions ; or, trois sortes de personnes lui sont insupportables : celles qui restent à la même place, celles qui reculent, celles qui suivent une fausse voie. Puisse notre

  1. Psa. 115, 5
  2. Prononcé par saint Augustin le 12 des calendes de septembre, et où le saint docteur explique ces paroles de l’Apôtre : « Je parle humainement, à cause de la faiblesse de votre chair ». (Rom. 6, 19.)
  3. Psa. 125, 2
  4. Rom. 12, 2
  5. Rom. 8, 24,25