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plus grand que moi celui dont je suis digne de délier les souliers ; car il proclamerait qu’il doit se courber à ses pieds. Maintenant, comme il nous prêche l’humilité quand il se croit au-dessous de ses pieds, et même au-dessous de sa chaussure ! Jean vint donc pour prêcher l’humilité aux superbes, et nous annoncer la vertu de la pénitence. La voix vint avant le Verbe. Comment la voix avant le Verbe ? C’est du Christ qu’il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu[1] ». Mais, pour venir à nous, le Verbe s’est fait chair, afin d’habiter parmi nous. Après avoir entendu que le Christ est la parole, écoutons que Jean est la voix. Quand on lui demandait : Qui êtes-vous ? il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie au Seigneur, rendez droits ses sentiers ». Écoutons les cris de Jean et préparons la voie au Seigneur ; que le Verbe vienne à nous[2] parce que « toute chair est foin, et la gloire de l’homme n’est que la fleur du foin. Le foin se dessèche, la fleur tombe ; mais le Verbe de Dieu demeure éternellement[3] ».

HUITIÈME SERMON. SUR SAINT JEAN-BAPTISTE.

Les Pères de Saint-Maur ont signalé (Sermon CCXLIII, Apprend, tom. V) cette locution, « mes très-chers frères », qu’on lit au commencement de ce sermon, comme une locution solennelle et habituelle dans les sermons douteux. Toutefois, comme saint Augustin se trahit clairement, j’aimerais mieux dire que, dans les lectionnaires d’où j’ai tiré ce sermon, l’exorde a été changé pour la cause que j’ai empruntée plus haut aux Pères de Saint-Maur. S’il est arrivé que, dans le sermon précédent, le commencement m’ait paru vrai, tandis que je doutais de la conclusion, ici c’est l’exorde qui est douteux, mais la conclusion certaine. Ce que nous découvrons vers la fin nous apprend le cas que nous devons faire du sermon ; car nous y voyons pour la veille de cette fête des superstitions populaires que nul autre sermon du saint Docteur ne nous avait enseignées. C’est en vain que je l’ai cherché dans les bibliothèques qui ont paru jusqu’à ce jour. On peut, dans l’édition de Saint-Maur, l’inscrire sous le numéro293, et ce sera le neuvième sur la nativité de saint Jean-Baptiste.

ANALYSE. – Grandeur de Jean. – Il est la voix, le Christ est la parole de Dieu. – Il est le crieur, le Christ est le juge. – Le Christ grandit dans son baptême, Jean diminue dans le sien. – L’un est maître, l’autre serviteur. – Pour obtenir les faveurs de Jean, ne faisons point injure à sa fête.

1. Mes très-chers frères, nous célébrons aujourd’hui la naissance d’un grand homme, et voulez-vous en connaître la grandeur ? « Nul », dit l’Évangile, a parmi ceux qui sont « nés de la femme, ne s’est élevé plus grand a que Jean-Baptiste[4] ». Voilà ce qu’a dit Celui qui est né de la Vierge ; tel est le témoignage qu’il a rendu à son témoin ; la sentence portée par le juge au sujet de son crieur ; ainsi la parole a voulu honorer la voix ; vous le savez, et vous l’avez entendu dans le sermon du matin[5].

2. La parole, c’est le Christ ; la voix, c’est Jean. À

  1. Jn. 1, 1
  2. La conclusion est tirée des lectionnaires et du catalogue Léop ; le catalogue n. 12, au lieu de cette conclusion, ajoute : « Parlons donc un peu, mes frères, autant que Dieu nous en fera la grâce, parlons un peu de la parole et de la voix. Le Christ est la parole, parole qui ne retentit point pour passer ; ce serait alors la voix et mon la parole ; mais la parole de Dieu, par qui tout a été fait, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ. La voix de celui qui crie dans le désert, c’est Jean. Qui a la supériorité, la vois ou la parole ? Voyons ce a qu’est la parole et ce qu’est la voix, et alors nous venons où est la supériorité. Selon vous, mes frères, qu’est-ce que la parole ? Sans a nous occuper de la parole de Dieu, par qui tout a été fait, parlons un a peu de nos paroles, si nous pouvons tant soit peu établir une comparaison ? Qui comprend la parole de Dieu, par qui tout a été fait ? Qui est digne d’y penser, qui le pourrait, tant nous sommes loin de e pouvoir en parler ? Ajoutons son ineffable majesté, son éternité, sa coéternité avec le Père, afin que notre foi nous mérite de voir un jour ? » Qui ne voit ici autant de rochers sans base, entassés confusément, et qui n’offrent pas même aux yeux l’image d’un toit ?
  3. Isa. 40, 7,8
  4. Mat. 11, 11
  5. Ceci nous prouve que ce sermon fut prêché à l’office du soir. Mais quel est ce sermon du matin, auquel il fait allusion ? C’est ce qu’on n’oserait dire, puisqu’il n’est aucun sermon sur la nativité de saint Jean-Baptiste, où le saint docteur n’ait tiré parti de ce témoignage et riait appelé Jean témoin et précurseur.