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même du pain ? Quel homme ; s’il est nu, peut se couvrir, si on ne lui donne un vêtement ? [Nous n’avions pas la justice, il n’y avait en nous que péchés.] D’où vient la justice ? Quelle justice peut exister sans la foi ? « Car le juste vit de la foi[1] ». Celui qui sans la foi se dit juste, est menteur par là même. Comment ne pas mentir quand on n’a pas la foi ? Quiconque veut dire vrai, qu’il se convertisse à la vérité. Mais elle était loin. « La vérité s’est levée de la terre ». Tu dormais, elle est venue à toi ; tu étais endormi, elle t’a éveillé ; elle t’a par elle-même tracé ta voie, de peur que tu ne vinsses à t’égarer. Donc, parce que la vérité s’est levée de la terre, Notre-Seigneur Jésus-Christ est né d’une Vierge. « La justice a regardé du haut du ciel », pour que les hommes aient non leur propre justice, mais celle de Dieu. Combien Dieu a daigné faire ? Et dès lors combien nous étions indignes auparavant ! Combien indignes ? Nous étions mortels, accablés du poids de nos fautes, courbés sous nos peines. Tout homme qui vient au monde commence par la douleur. Ne cherche aucun prophète, interroge l’enfant nouveau-né et vois-le pleurer. Dès lors que sur la terre nous étions à ce point indignes de Dieu, comment tout à coup en sommes-nous devenus dignes ? « La vérité s’est levée de la terre ». Celui qui a tout créé a été créé parmi tout ce qui existe ; il a fait le jour, il est venu au grand jour ; il était avant le temps, et il a marqué le temps. Notre-Seigneur Jésus-Christ est dans l’éternité sans commencement en son Père ; [et toutefois demande qu’y a-t-il aujourd’hui. Une naissance. De qui ? Du Seigneur. Il prend donc naissance ? Oui, il prend naissance. Il prend naissance, ce Verbe au commencement, Dieu en Dieu ? Il prend naissance.] S’il n’avait point sa génération parmi les hommes, nous ne parviendrions pas à la régénération divine. il naît pour que nous renaissions. Que nul n’hésite à renaître quand le Christ est né ; quand il a une génération, celui qui n’a pas besoin de régénération. À qui faut-il une régénération, sinon à celui dont la génération est maudite ? Que dès lors sa miséricorde se fasse dans nos cœurs. Sa Mère l’a porté dans son sein, portons-le dans notre cœur ; le sein de Marie grossit par l’incarnation du Christ, que nos cœurs à notre tour grossissent de la foi au Christ ; elle a enfanté le Sauveur, enfantons sa louange. Ne soyons point stériles, que nos âmes reçoivent de Dieu la fécondité. Il y a une génération du Christ qui vient du Père, et sans, mère, et une génération du Christ, qui vient de la mère, et sans père : toutes deux sont admirables. La première s’accomplit dans.l'éternité, la seconde dans le temps. [Quand est-il né du Père ? Qu’est-ce à dire quand ? Tu cherches quand, là où il n’y a aucun temps ? Là ne cherche pas quand, cherche-le ici ; c’est à propos de sa mère que l’on demande quand, mais quand est déplacé à propos du Père ; il est né, et ne connaît point de temps] ; il est né éternel de l’Eternel, et coéternel. Pourquoi t’étonner ? Il est Dieu. En considérant la divinité, tu sens tomber tout étonnement. [Et quand nous disons : Il est né de la Vierge, ô merveille, tu es dans l’admiration ! C’est un Dieu, ne t’étonne plus] ; qu’à l’admiration succède la louange. Que la foi te soutienne crois que cela fut fait]. Si tu ne le crois point, cela est fait également, et tu demeures dans l’infidélité. Il a daigné se faire homme, que cherches-tu de plus] ? Est-ce peu, pour toi, qu’un Dieu se soit humilié ? Parce qu’il était Dieu, il s’est fait homme, et comme l’hôtellerie était étroite, il a été enveloppé de langes et couché dans une crèche : vous l’avez entendu à la lecture de l’Évangile. Qui ne serait point dans l’admiration ? Celui qui remplit le monde ne trouvait pas de place dans une hôtellerie, et il a été couché dans une crèche pour y devenir notre nourriture. Qu’ils viennent à l’étable, ces deux animaux, ou plutôt ces deux peuples ; car le bœuf connaît son maître, et l’âne l’étable de son maître[2]. Viens à l’étable, et ne rougis point d’être pour le Seigneur une bête de somme. Tu porteras le Christ sans t’égarer ; tu marcheras dans la voie, et cette voie est assise sur toi. Vous souvient-il de cet âne que l’on amène au Seigneur ? N’en rougissons pas, c’est nous. Que le Seigneur s’assoie sur nous et nous appelle où il voudra. Nous sommes sa monture, et nous allons à Jérusalem. Sous un tel poids, loin de nous courber, nous nous relevons ; sous sa direction nous ne saurions errer, nous allons à lui, nous allons par lui, et nous ne saurions périr.

  1. Rom. 1, 17
  2. Isa. 1, 3