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de voluptés, les hommes qui le dédaignent, qui murmurent contre le temps, sans changer leurs mœurs ; le Seigneur les menace de la mort, les menace de l’enfer, les menace de la mort éternelle. Que veulent-ils que je leur promette, si Dieu ne le promet point ? Qu’un intendant vous donne des assurances, de quoi serviront-elles si le Père de famille ne les donne aussi ? Je ne suis que l’intendant, que le serviteur. Faut-il donc vous dire Vivez à votre gré, le Seigneur ne vous perdra point ? c’est une garantie de l’intendant, mais la garantie de l’intendant n’est pas valable. Puisse Dieu te la donner, quand je soulève en toi l’inquiétude ! En dépit de moi, la garantie du Seigneur est valable, tandis que la mienne est nulle, s’il ne la valide. Or, quelle sécurité, mes frères, pouvons-nous avoir, vous ou moi, sinon d’observer fidèlement ses préceptes, de l’écouter attentivement et d’attendre ses promesses avec confiance ? Dans ces occupations qui nous fatiguent, puisque nous sommes des hommes, implorons son secours, gémissons à ses pieds ; ne lui demandons rien de ce monde, rien de ce qui passe, rien de transitoire, rien de ce qui s’évapore comme une fumée ; mais prions pour l’accomplissement de la justice, pour que le nom du Seigneur soit sanctifié ; non pour surmonter nos voisins, mais pour surmonter nos passions ; non pour rassasier, mais pour dompter notre avarice. Que telles soient nos prières, qu’elles nous soutiennent dans notre lutte intérieure et nous couronnent dans notre victoire.

TROISIÈME SERMON. DU MÉPRIS DES CHOSES TEMPORELLES[1].

Le catalogue manuscrit, num. 173, intitulé : Augustini operum, tom. 12, contient des traités et des sermons dont la majeure partie est en parfait accord avec ce qui est édité ; mais les autres contiennent, en outre des variantes, des périodes qu’on ne trouve point dans les éditions. Dans ces dernières, j’en ai choisi une seule qui se trouve dans des variantes presque sans nombre. Comme je n’oserais décider si elle est l’œuvre des scribes qui écrivaient précipitamment puis mettaient en ordre ce qu’ils avaient écrit, ou si elle est l’œuvre de saint Augustin, qui a pu écrire de nouveau un sermon composé antérieurement, comme il avoue, dans son quinzième livre de la Trinité, qu’il l’a fait ailleurs, j’ai cru qu’il suffisait de s’en rapporter au jugement des érudits, qui devront statuer ce qu’il faut penser, par ce seul fait, des autres extraits que l’on fait de ce même catalogue. Mais le catalogue, num. 219, intitulé : Dydimus de Spiritu sancto, et alia, contient ce sermon absolument semblable à celui du premier catalogue. Les bénédictins de Saint-Maur, tom. 5, num. 345, ont donné ce sermon d’après les éditions de Colbert et de Sirmond, sans avoir aucun doute au sujet de son intégrité.

ANALYSE.— Soyons riches en bonnes œuvres.— L’homme pauvre qui rêve des richesses, et se trouve pauvre à son réveil, c’est le riche sans bonnes œuvres, pauvre à la mort.— Avec des voleurs on rachète sa vie par tous ses biens, donnons-les pour la vie éternelle.— Nous haïr pour aimer Dieu, lui confier nos biens, puisque nous lui confions notre âme.— Donnons nos biens à Dieu dans la personne des pauvres.— Le véritable riche, et la véritable vie.— Donnons à Dieu nos richesses, et faisons le don de nous-mêmes en le suivant à la croix, comme les martyrs.— Humilions-nous.— Les épreuves du temps présent.— Impossibilité d’évaluer par des choses temporelles le prix d’une vie sainte.

Cette fête des martyrs, ce jour du Seigneur, nous engagent à dire à votre charité ce qui peut nous porter au mépris du siècle présent et à l’espérance du siècle à venir. Cherches-tu de quoi mépriser ? Tout homme saint, tout martyr a méprisé jusqu’à cette vie présente. Veux-tu de quoi espérer ?

  1. L’édition de Saint-Maur lui donne ce titre : Du mépris du monde ; il fut prêché dans les jours de Pâques, à la fête des saintes de Tibur, selon Sirmond agi nombre de deux, Félicité et Perpétue ; selon Henri de Valois, au nombre de trois, Maxima, Donatilla, Seconda ; d’après le témoignage des mêmes Pères de Saint-Maur. On voit plus clairement ici, que dans l’édition, que l’exorde est tiré des circonstances du temps.