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qu’il devait souffrir. Selon l’Écriture encore, il est ressuscité, parce qu’elle annonçait sa résurrection. Selon l’Écriture, il est monté aux cieux, parce qu’elle annonçait son ascension. Après cette ascension ignorée des Juifs, il envoya ses Apôtres vers les nations, afin de les réveiller en quelque sorte de leur sommeil, et de leur dire : Levez-vous, recevez ce qui vous est dû, ce que l’on vous a promis dans les temps anciens ! Qui donc va éveiller son créancier, pour lui offrir ce qu’il lui doit ? Car ce ne sont point les nations qui se sont éveillées, parce qu’elles avaient Dieu pour débiteur. Elles ont été appelées, ont commencé à examiner les Écritures et à y lire qu’elles recevaient ce qui leur avait jadis été promis. Elles ont accueilli le Christ promis et mis sous leurs yeux ; elles ont accueilli la grâce de Dieu, l’Esprit-Saint promis et manifesté ; elles ont accueilli l’Église dispersée parmi les nations, promise et manifestée. Les idoles qu’adoraient les nations, Dieu avait promis de les détruire. Voilà ce qu’on lit dans les Écritures, voilà ce qu’on y trouve[1]. Vous voyez comment Dieu accomplit de nos jours ce qu’il a promis tant de milliers d’années auparavant. Car les hommes s’étaient détournés de celui qui les avait créés, pour se tourner vers l’ouvrage de leurs mains. Or, comme l’ouvrier est toujours supérieur à son œuvre, Dieu dès lors est supérieur non-seulement à l’homme qu’il a fait, mais supérieur à tous les anges, aux vertus, aux puissances, aux trônes, aux dominations, puisqu’il les a tous créés[2] et que toute œuvre de l’homme est inférieure à l’homme lui-même. Telle était la démence des hommes, qu’ils adoraient les idoles qu’ils auraient dû condamner. Encore s’ils eussent adoré l’ouvrier qui avait fait l’idole, car l’ouvrier est supérieur à l’idole qu’il a faite. Adorer un ouvrier, t’eût été de la part des hommes une abomination, et les voilà qui adorent l’idole faite par l’ouvrier. C’eût été une abomination d’adorer l’ouvrier, mais t’eût été mieux encore que d’adorer l’idole. Or, s’il faut condamner ceux qui font mieux, quelles pleurs donner à ceux qui font pire ? Et si nous portons condamnation contre celui qui adore l’ouvrier, celui qui abandonne l’ouvrier pour passer à l’idole, qui délaisse le mieux pour passer au pire, quelle condamnation méritera-t-il ? Mais quel mieux a-t-il délaissé tout d’abord ? Dieu, par qui il a été fait. Il cherche l’image de Dieu, et il l’a en lui-même. L’ouvrier n’a pu faire l’image de Dieu, mais Dieu a pu se faire une image. Or, adorer l’image de l’homme qu’a faite l’ouvrier, c’est mutiler l’image de Dieu, gravée en toi par Dieu même. Et quand il t’appelle pour te ramener à lui, c’est pour te rendre cette image que tu as perdue, effacée, en l’usant au contact des convoitises terrestres.

8. C’est pourquoi, mes frères, Dieu nous redemande son image. C’est ce qu’il veut dire aux Juifs quand ceux-ci lui présentèrent une pièce de monnaie. D’abord ils voulaient le tenter, en disant : « Maître, est-il permis de payer le tribut à César ?[3] » afin que, s’il répondait : il est permis, ils pussent l’accuser de malédiction contre Israël, qu’il voudrait assujettir à l’impôt et rendre tributaire sous le joug d’un roi. Que si, au contraire, il répondait : Il n’est pas permis, ils pussent l’accuser de parler contre César, d’être cause qu’on refusait l’impôt que l’on devait, puisqu’on était sous le joug. Il vit leur piège, comme la vérité découvre le mensonge, et il les convainquit de mensonge par leur propre bouche. Il ne les condamna point de sa propre bouche, mais il leur fit prononcer eux-mêmes leur sentence, ainsi qu’il est écrit : « Tu seras justifié par tes paroles et condamné par tes paroles[4]. Pourquoi me tentez-vous », leur dit-il ? « Hypocrites, montrez-moi la pièce d’argent du tribut ». Et ils lui en montrèrent une. « De qui est cette image et cette inscription ? De César, répondirent-ils. Et le Sauveur : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu[5] ». De même que César cherche son image sur une pièce de monnaie, Dieu recherche son image en ton âme. Rends à César, dit le Sauveur, ce qui appartient à César. Que réclame de toi César ? Son image. Que réclame de toi le Seigneur ? Son image. Mais l’image de César est sur une pièce de monnaie, l’image de Dieu est en toi. Si la perte d’une pièce de monnaie te fait pleurer, parce que tu as perdu l’image de César ; adorer les idoles, ne sera-ce point pour toi un sujet de larmes, puisque c’est faire injure en toi à l’image de Dieu ?

9. Examinez donc, mes frères, la promesse

  1. Isa. 2, 18 ; Eze. 6, 6 ; Mic. 1, 7
  2. Eph. 1, 21, et Col. 1, 16
  3. Mat. 22, 17
  4. Id. 12, 37
  5. Id. 22, 18-21