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au ciel ; du moins, qu’ils voient l’Église répandue sur la terre entière, et dans ce fait l’accomplissement des paroles des Prophètes.

2. Maintenant s’accomplit parmi eux ce que nous venons d’entendre dans l’Évangile. Ils n’écoutent pas le Christ après qu’il est ressuscité d’entre les morts, parce qu’ils n’ont pas écouté le Christ vivant sur la terre. C’est ce que dit Abraham à ce riche, qui était tourmenté dans l’enfer, et qui voulait que l’on envoyât en ce monde avertir ses frères de ce que l’on souffre en enfer, et, avant qu’ils ne tombassent dans ce lieu de tourments, de bien vivre, de faire pénitence de leurs péchés, afin de mériter d’aller dans le sein d’Abraham, plutôt que dans ces supplices où lui-même était tombé. Voilà ce que faisait ce riche tardivement miséricordieux, qui avait méprisé le pauvre couché devant sa porte, et sans doute en punition de son orgueil envers lui, sa langue était desséchée, et il soupirait après une goutte d’eau. Comme il n’avait point fait sur la terre ce qu’il y devait faire pour ne point arriver au lieu des tourments, il fut trop tard miséricordieux envers les autres. Mais que lui dit Abraham ? « S’ils n’écoutent point Moïse et les Prophètes, ils ne croiront pas, quand même quelqu’un des morts ressusciterait[1] ». Voilà ce qui s’est vérifié, mes frères. 'On ne saurait aujourd’hui persuader aux Juifs de croire en Celui qui est ressuscité des morts, parce qu’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes. S’ils voulaient, en effet, les écouter, ils trouveraient en eux la prédiction de ce qui vient de s’accomplir et qu’ils ne veulent pas croire. Ce que nous disons des Juifs faisons-le donc pour nous, de peur qu’en regardant les autres, nous ne tombions nous-mêmes dans l’impiété. On ne lit point l’Évangile aux Juifs, mes frères bien-aimés, on leur lit Moïse et les Prophètes, qu’ils ne veulent point croire. Gardons-nous de faire, quand on nous lit l’Évangile, ce qu’ils font quand on leur lit les Prophètes. Car ce n’est point chez eux, dis-je, mais chez nous, qu’on récite l’Évangile.

3. L’Évangile, vous venez de l’entendre, nous annonce deux vies : la vie présente et la vie future. Nous avons la vie présente, nous croyons à la vie à venir. Nous sommes dans la vie présente, sans être arrivés encore à la vie future. Mais en cette vie présente, amassons-nous de quoi mériter la vie éternelle ; car nous ne sommes point morts encore. Est-ce que l’on récite l’Évangile dans les enfers ? Quand même on l’y réciterait, ce riche l’entendrait en vain, puisque sa pénitence ne saurait plus être fructueuse. C’est ici-bas qu’on le lit pour nous, et nous l’entendons ici-bas où nous pouvons nous corriger tant que dure notre vie, de peur que nous ne tombions dans ces tourments. Croyons-nous, ou ne croyons-nous pas ce qu’on nous lit ? Loin de moi d’outrager votre charité jusqu’à penser que vous ne croyez point ! Car vous êtes chrétiens, et vous ne seriez nullement chrétiens si vous ne croyiez point à l’Évangile. Il est donc évident que vous croyez à l’Évangile dès lors que vous êtes chrétiens. Nous l’avons entendu ; on vient de nous le réciter. Il y avait donc un homme riche, plein d’orgueil, se prévalant de ses richesses, qui « était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui donnait de splendides festins tous les jours[2] ». Or, à sa porte était couché un pauvre du nom de Lazare, couvert d’ulcères que les chiens venaient lécher ; et « il désirait se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche[3] » et ne le pouvait. Voilà donc le crime du riche ; c’est qu’il désirait se rassasier de miettes, et ne pouvait le faire, celui qui devait se revêtir de la nature humaine. Et dès lors si ce riche eût pris en pitié le pauvre couché à sa porte, il serait arrivé où ce pauvre est arrivé lui-même. Ce qui a conduit en effet Lazare au lieu du repos, c’est moins la pauvreté que l’humilité ; et ce qui en a détourné le riche, ce sont moins les richesses que l’orgueil et l’infidélité. Car, vous le savez, mes frères, le langage qu’il tient dans les enfers prouve que ce riche fut infidèle sur la terre. Écoutez en effet. Il voulait que quelqu’un d’entre les morts allât annoncer à ses frères ce que l’on endure en enfer, et comme Abraham le lui refusait en disant : « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent. Non, Abraham, mon père », répond-il, « mais si quelqu’un d’entre les morts y allait, il les persuaderait » ; nous montrant par là que lui-même, quand il était en cette vie, ne croyait ni à Moïse, ni aux Prophètes, mais désirait qu’un homme sortit d’entre les morts pour venir à lui. Examinez ceux qui pensent comme lui, et voyez, si vous avez la foi, quel avertissement nous donne l’exemple de ce

  1. Luc. 16, 31
  2. Luc. 16, 19
  3. Id. 21