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donc s’est revêtue de l’humanité, et s’est approchée de l’homme par ce qui en était le plus près. Et voilà, car la sagesse elle-même l’a dit à l’homme, voilà que la piété c’est la sagesse : le propre de la sagesse dans l’homme est d’adorer Dieu, puisque telle est là piété ; et dès lors deux préceptes sont donnés à l’homme : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ». Voici l’autre précepte : « Tu « aimeras ton prochain comme toi-même[1] ». Et celui qui entendait répliqua : « Et qui donc est mon prochain[2] ? » Il pensait que le Seigneur allait dire : C’est ton père, c’est ta mère, c’est ton épouse, ce sont tes enfants, tes frères, tes sueurs. Telle ne fut point sa réponse ; mais pour vous bien faire comprendre que tout homme est le prochain de tout autre homme, le Sauveur commença ce récit : « Un certain homme », dit-il. Qui, ce certain homme ? Enfin un homme. « Un homme donc ». Qui, cet homme ? Quelqu’un, mais un homme. « Descendait de Jérusalem à Jéricho, et tomba entre les mains des voleurs[3] ». On appelle aussi voleurs ceux qui nous persécutent. Blessé, dépouillé, demi-mort, abandonné sur le grand chemin, il fut un objet de mépris pour le prêtre et le lévite qui vinrent à passer, et remarqué du samaritain qui le rencontra. Voilà qu’on s’approche de lui, qu’on lui donne des soins, qu’on le met sur un cheval, pour le conduire à l’hôtellerie, qu’on donne l’ordre de le soigner, qu’on paie sa dépense. Or, le Sauveur demande à celui qui l’avait interrogé : Quel est le prochain de cet homme demi-mort ? Car deux hommes l’avaient dédaigné, et ces dédaigneux étaient ses proches ; ce fut l’étranger qui l’aborda. Car cet homme de Jérusalem avait pour proches les prêtres, les lévites, et les Samaritains pour étrangers. Les proches passèrent donc, et l’étranger lui devint un proche. Quel était donc le prochain pour cet homme ? Réponds, ô toi qui avais fait cette question : « Qui est mon prochain ? » Réponds à ton tour, selon la vérité. C’était l’orgueil qui questionnait, que la nature parle. Que dit-il donc ? « Je crois que c’est celui qui a usé de miséricorde envers lui ». Et le Seigneur : « Va, et fais de même à ton tour[4] ».

3. Revenons à notre sujet. Nous avons déjà trois objets : la santé, l’ami, la sagesse. Mais il n’y a de ce monde que la santé et l’ami ; la sagesse est d’ailleurs. C’est pour la santé que nous avons la nourriture et le vêtement, et en cas de maladie la médecine. À ceux qui ont la santé, l’Apôtre en santé lui-même disait : « Or, c’est, une grande richesse que la piété qui se contente du nécessaire. Nous n’avons rien apporté en ce monde, et nous n’en pouvons rien emporter. Ayant la nourriture et le vêtement, nous devons nous en contenter ». Voilà ce qui est nécessaire pour la santé. Que dira-t-il pour le superflu ? « Quant à ceux qui veulent s’enrichir (c’est bien là le superflu) ils tombent dans la tentation, dans les pièges, dans une foule de désirs insensés et nuisibles qui précipitent l’homme dans la mort et dans la perdition[5] ». Où donc est la santé ? C’est donc à la santé que revient cette parole : « Ayant la nourriture et le vêtement, nous devons nous en contenter ». Que dira-t-il pour l’ami ? Que dire de plus que ceci : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même? » Que la santé soit donc à toi, et la santé encore à ton ami. À propos du vêtement de l’ami : « Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n’en a point ». Et pour la nourriture de cet ami : « Que celui qui a de la nourriture agisse de même[6] ». Tu es rassasié, rassasie les autres ; tu es vêtu, revêts les autres. Tout cela est de ce monde : quant à ce qui vient d’en haut, ou la sagesse, tu l’apprends et tu l’enseignes.

4. Remettez maintenant devant vos yeux le combat des martyrs. L’ennemi vint et voulut faire renier le Christ. Mais voyons d’abord ses flatteries, et non ses fureurs. Il promet honneurs et richesses. Ce sont là des choses superflues. Quiconque trouverait en ces biens une tentation de renier le Christ, n’est pas encore descendu dans l’arène, ne s’est pas initié au combat, n’a point encore, par une vigoureuse résistance, provoqué l’antique ennemi. Mais il a méprisé tous les biens qu’on lui offrait, l’homme fidèle qui s’est écrié : Est-ce pour de tels biens que je renierai le Christ ? Des richesses me feront-elles renoncer aux richesses ? L’or me fera-t-il renier le vrai trésor ? N’est-ce pas en effet le Christ qui, « étant riche, s’est fait pauvre pour nous, afin de nous enrichir de sa pauvreté[7] ? » N’est-ce point de lui que l’Apôtre a dit : « En

  1. Luc. 10, 27
  2. Id. 29
  3. Id. 30
  4. Id. 37
  5. Tim. 6, 6-9##Rem
  6. Luc. 3, 11
  7. 2Co. 8, 9