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payé [1] ». En effet, il allait payer à la mort ce qu’il ne lui devait pas, et cela pour nous racheter de la mort qui nous était due. Adam avait dérobé le péché quand, aveuglé par la présomption, il porta la main à l’arbre pour s’emparer du nom incommunicable de la divinité qui ne lui était pas due, mais que la nature et non l’usurpation avait accordée au Fils de Dieu.

QUATRE-VINGTIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES : « JE SUIS LA VRAIE VIGNE ET MON PÈRE EST LE VIGNERON », JUSQU’À CES AUTRES : « DÉJÀ VOUS ÊTES PURS À CAUSE DE LA PAROLE QUE JE VOUS AI DITE ». (Chap. 15,1-3.)

JÉSUS-CHRIST, VIGNE ET VIGNERON.

Le Sauveur est, comme homme, la vigne, c’est-à-dire le cher de l’Église, tandis que nous en sommes les branches ou les membres : comme Dieu, il est, aussi bien que le Père, le vigneron qui retranche les bourgeons improductifs et émonde par la parole de la foi ceux qui rapportent du fruit.


1. Cet endroit de l’Évangile, mes frères, où Notre-Seigneur dit à ses disciples qu’il est la vigne et qu’ils en sont les branches, doit s’entendre en ce sens que Jésus-Christ homme, médiateur entre Dieu et les hommes[2], est le chef de l’Église et que nous sommes ses membres. La vigne et ses branches sont de même nature ; c’est pourquoi, comme il était Dieu et que nous n’avons pas la nature divine, il s’est fait homme, afin que la nature humaine fût en lui comme une vigne, dont nous autres hommes nous pourrions être les branches. Mais que veut dire : « Je suis la vraie vigne ? » En ajoutant le mot « vraie », a-t-il voulu dire qu’il se rapporte à cette vigne d’où la comparaison est tirée ? Il est en effet appelé vigne par comparaison, et non par appropriation, comme il est appelé brebis, agneau, lion, rocher, pierre angulaire et autres choses qui sont vraiment ce que leur nom signifie ; mais qui, dans le cas présent, servent à établir une comparaison et non à indiquer l’existence de propriétés réelles. Aussi, quand Jésus dit : « Je suis la vraie vigne », c’est pour se distinguer de celle à qui il est dit : « Comment as-tu dégénéré jusqu’à devenir une fausse vigne [3] ? » Car peut-on dire qu’elle était une vraie vigne, celle dont on attendait du raisin et qui a produit des épines [4] ?
2. « Je suis la vraie vigne », dit Jésus-Christ, « et mon Père est le vigneron. Il retranchera toutes les branches qui ne portent point de fruit en moi, et il émondera toutes celles qui portent du fruit, afin qu’elles en portent davantage ». Le vigneron et la vigne sont-ils donc la même chose ? Jésus-Christ est la vigne selon la nature qui lui permet de dire : « Le Père est plus grand que moi[5] ». Mais selon la nature qui lui permet de dire : « Le Père et moi nous sommes un[6] », il est lui-même le vigneron ; non pas un vigneron comme ceux qui en travaillant ne peuvent donner que des soins extérieurs, mais un vigneron capable de donner l’accroissement intérieur. « Car ce n’est pas celui qui plante ni celui qui arrose qui « est quelque chose, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement ». Or, Jésus-Christ est vraiment Dieu ; car « le Verbe était Dieu », ce qui fait que le Père et lui ne sont qu’un ; et si « le Verbe s’est fait chair[7] », ce qu’il n’était pas, il est cependant resté ce qu’il était. Enfin, après avoir dit du Père, en parlant de lui comme d’un vigneron, qu’il retranchera les branches stériles et qu’il émondera celles qui

  1. Ps. 68, 5
  2. 1 Tim. 2, 5
  3. Jer. 2, 21
  4. Isa. 5, 4
  5. Jn. 14, 28
  6. Id. 10, 30
  7. Id. 1, 1, 14