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QUARANTIÈME SERMON.

SUR L’ASCENSION DU SAUVEUR.

(PREMIER SERMON.)



ANALYSE. — 1. Le jour de l’Ascension comparé au jour de Noël. — 2. Le mystère de l’Ascension confirme la foi. — 3. Jésus-Christ montant au ciel n’abandonne pas les hommes, et mérite de nous les hommages les plus assidus.

1. Je me demande avec anxiété, mes frères, pourquoi cette grande solennité que nous célébrons n’attire pas un plus grand concours de fidèles, pourquoi ce jour de joie n’a pas le privilège de soulever des élans de joie parmi les chrétiens. Pourquoi ce jour n’est-il pas un jour de fête et de réunion comme le jour de Noël ? Noël a donné à la terre Jésus-Christ notre Sauveur ; l’Ascension le rend au ciel. À Noël le Seigneur a daigné se faire homme ; le jour de l’Ascension il a manifesté sa divinité. Noël nous prêche la grâce dont l’humilité du Sauveur est la source intarissable, l’Ascension confirme la foi dans la divinité de sa personne adorable. Noël nous le présente sortant d’un sein virginal ; l’Ascension nous le montre allant s’asseoir sur le trône même de la divinité ; le jour de Noël, il descend pour nous racheter ; le jour de l’Ascension, il monte afin d’intercéder pour nous ; le jour de Noël, il est envoyé par son Père ; le jour de l’Ascension, il est reçu par son Père ; nous savons cependant que jamais il n’a été séparé de son Père, alors même qu’il était au milieu de nous ; en visitant la terre il n’a pas quitté le ciel. Quelle grande solennité n’est donc pas pour nous, mes frères, ce jour où Jésus notre Rédempteur proclame si hautement sa divinité et ne remonte visiblement au ciel que pour mieux nous montrer qu’il est descendu sur la terre ; « personne n’est monté au ciel, que Celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme[1] », dont le Prophète avait dit longtemps auparavant : « Il est sorti du plus haut des cieux, et il retourne au plus haut des cieux[2] ». Parce qu’en descendant sur la terre il s’était caché aux yeux de tous, il veut que son Ascension n’en soit que plus manifeste ; dans son Incarnation, rien n’avait frappé les regards des hommes, mais dans son Ascension tout doit être visible et manifeste, afin d’affermir notre foi. Le Seigneur est rempli de pitié et de miséricorde quand il ne se propose que notre rédemption et notre salut ; en venant nous sauver, son humanité seule nous apparaît ; il embrasse les opprobres, les supplices, la croix, la sépulture et tous les symptômes extérieurs de l’infirmité humaine ; aussi devient-il un objet de scandale pour l’orgueilleuse incrédulité. Mais si le jour de Noël il n’a voulu pour notre salut que les abaissements et les humiliations, le jour de l’Ascension il veut faire éclater toutes les splendeurs de sa divinité, afin qu’après l’avoir cru un homme au milieu des hommes, nous le proclamions véritablement Dieu.

2. L’Écriture nous dit que notre Dieu et Sauveur « se montra vivant après sa passion, donna des preuves nombreuses de sa résurrection, et apparut pendant quarante jours à ses Apôtres, les entretenant du royaume de Dieu[3] ». Après avoir subi la croix et la mort, et avant de monter au ciel, Jésus-Christ apparut aux hommes sur la terre pendant ces quarante jours que, depuis Pâques jusqu’aujourd’hui, nous passons dans une sainte liberté, parce que c’est un temps de joie et non pas de tristesse, selon ces paroles du Sauveur « Est-ce que les fils de l’époux peuvent jeûner, tant que l’époux est avec eux[4] ? » Lorsque ces jours se furent écoulés, alors « à la vue de tous ses disciples il s’éleva vers le ciel, une

  1. Jn. 3, 13
  2. Ps. 18, 7
  3. Act. 1, 3
  4. Mt. 9, 15