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moi seulement vous citer quelques exemples aussi clairs que connus. Les abeilles se reproduisent et cependant la diversité des sexes n’y concourt aucunement. Si donc vous croyez de l’abeille qu’elle est vierge et mère, pourquoi ne croyez-vous pas que Marie ait pu engendrer sans que sa virginité ait souffert aucune atteinte ? Non, personne ne doit douter que Jésus-Christ est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie ; ce mystère, annoncé par les anges, est l’objet de la foi de toute la nature humaine.

3. Convaincus sur ce point, les païens, pour cacher leur honte, ajoutent : Grâce à la toute puissance de Dieu, une Vierge a pu, sans doute, concevoir et enfanter, mais il paraît indigne de la Majesté divine d’être sortie du sein d’une femme par ces voies ignominieuses : qu’elle n’a pu suivre sans souillure, alors même que la conception aurait été toute miraculeuse et surnaturelle. Insensé, quand il s’agit de Dieu, comment osez-vous tenir un semblable langage ? C’est trop de témérité par rapport au Créateur, et pour vous réduire au silence, il me suffira de prendre un exemple parmi les créatures. Le soleil est assurément la créature de ce Sauveur dont vous parlez ; or, le soleil pénètre jusque dans les lieux les plus fangeux et les plus sales ; son rayon de lumière y brille dans tout son éclat, et cependant il n’y contracte aucune souillure. Si donc le soleil reste pur au milieu de toutes ces obscénités, comment osez-vous dire que le Sauveur n’a pu qu’être souillé en naissant d’une Vierge immaculée ? Le soleil nous fournit encore une autre comparaison. On peut couper un arbre au moment même où celui-ci est tout inondé des rayons du soleil. Pendant qu’on le coupe, le fer destiné à le frapper est lui-même inondé de la lumière du soleil avant de frapper le bois ; or, cette lumière n’est nullement coupée et ne peut recevoir aucune atteinte, quoique le bois soit soumis à l’incision et donne entrée au tranchant qui le frappe. De même Jésus-Christ a pu être lié, enchaîné, crucifié, immolé ; et pourtant la nature divine qui était en lui n’a pu être atteinte d’aucune manière.

4. Nous avons pour témoin Pilate qui, assis sur son tribunal et après avoir lavé ses mains, s’écria : « Je suis pur du sang de ce juste, c’est votre affaire[1] » ; et cependant, cédant aux clameurs des Juifs répétant sans cesse « Qu’il soit crucifié[2] », Pilate fit flageller le Sauveur et le livra pour qu’il fût crucifié. O jugement pervers ! Le coupable est assis et un Dieu se tient debout ; Pilate commande et Jésus est crucifié. O peuple juif ! ô vous qui vous dites l’héritage de Dieu ! « ô vigne du Dieu Très-Haut, qui produisez non pas des raisins, mais des ronces et des épines ! » que dis-je, vous avez reçu de Pilate le raisin lui-même, et de vos propres mains vous l’avez pressuré sur le bois de la croix. C’est là ce raisin qui, pressuré, a répandu son sang et en a arrosé le monde tout entier. Mais le sang de Jésus-Christ a été répandu pour la rémission des péchés, afin de condamner l’ignominie des Juifs. Venez donc, ô juif, venez à l’église de Jésus-Christ, lavez le sang que vous avez répandu et effacez le crime que vous avez commis. Ne craignez rien ; il est vrai que vous avez cloué à la croix votre Seigneur et votre Dieu ; mais il est venu sur la terre afin de racheter par son sang le monde tout entier. Croyez en lui, et vous-mêmes, ô Juifs, vous pouvez obtenir le pardon de vos péchés. Par ce bois de la croix, non-seulement l’arbre de la science du bien et du mal qui a causé la mort du premier homme, mais le paradis lui-même a été renouvelé dès l’instant qu’une place y fut donnée à ce larron pénitent qui fut crucifié avec le Sauveur.

5. O mort, ô démon, que dites-vous ? Vous semblez vous réjouir de votre victoire, parce que vous voyez le Christ immortel devenu votre victime. Le Christ que vous voyez descendre en enfer, s’empresse d’y briser les chaînes des captifs et d’en faire disparaître les traces de votre domination. Ce géant invincible qui vous a vaincus dans le monde, dirige sa course rapide jusque dans les enfers, afin d’arracher de vos mains ceux que vous y reteniez captifs et de faire peser sur vous le joug d’une éternelle condamnation. Voici que le troisième jour il est ressuscité d’entre les morts, afin de confirmer la foi véritable qu’il a prêchée à ses disciples, et de conférer la gloire du royaume éternel à tous ceux qui croiront en lui.

  1. Mt. 27, 24
  2. Id. 23