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qui a bien fait toutes choses, et défendez-vous l’homme qui a refusé le rôle que Dieu lui avait confié dans le temple de la création ? Celui qui a transgressé le précepte divin ne devait-il pas encourir la peine de cette transgression ? O vous qui justifiez Adam et qui faites injure à Dieu, répondez à la question que je vous adresse : Adam était-il bon ou mauvais ? Vous direz qu’il était bon, car ainsi l’exige votre plaidoyer en sa faveur. Si donc il était bon, pourquoi de ses deux fils l’un fut-il un modèle d’innocence et l’autre un scélérat ? S’il était bon, il a dû créer des enfants bons ; ou bien si, comme vous le prétendez, il a péché par la faute même de Dieu, il n’a dû engendrer que des enfants mauvais. Pourquoi donc l’un est-il innocent, tandis que l’autre répand le sang d’un innocent ? L’un devient, le premier martyr, et l’autre le premier homicide. Caïn cesse donc d’être coupable de la mort de son frère, puisque son père, en le créant scélérat, devient seul responsable du crime. Si Adam a péché malgré lui, c’est également malgré lui que Caïn a immolé son frère. Un tel ordre de justice n’est suivi que par ceux qui calomnient la loi jusqu’au point de soutenir que si les enfants deviennent criminels, c’est sur leurs parents que retombe toute la responsabilité de leur crime. Nous avons en présence Adam qui a engendré un scélérat, et Caïn qui a tué son frère. Lequel des deux est coupable ? Est-ce le père quia engendré, où le fils qui a versé le sang de son frère ! Silence donc au calomniateur, quoique jamais plus grande vérité ne soit sortie de la bouche d’un calomniateur. Où êtes-vous, ô calomniateur, qui étiez si sûr de vous-même, justifiez devant moi votre proposition. Défendez encore celui que vous défendiez il n’y a qu’un instant. Pourquoi avez-vous disparu ? pourquoi vous êtes-vous renfermé dans le silence ? Voici que, grâce au crime de son fils, Adam est proclamé coupable d’avoir engendré un parricide. Pourquoi ne soutenez-vous point qu’Adam n’est pas coupable ?
6. Mais celui qui se taisait vient de se lever de nouveau. Je ne me tais pas, répond-il ; au contraire, j’affirme et proclame que le fils n’est pas coupable pour son père, ni le père pour son fils ; car il est écrit : « L’âme du père est à moi, et l’âme du fils est à moi ; l’âme qui aura péché, c’est elle-même qui sera punie[1] ». Ne dirait-on pas que ce calomniateur sort d’un profond sommeil ; il ouvre la bouche, il parle, mais tout à l’heure il gardait le silence. Dites donc : Le fils n’est pas coupable pour son père, ni le père pour son fils. Justifiez votre proposition, et moi je justifierai mon Dieu. Soutenez la cause d’Adam, et moi je repousserai l’injure faite à Dieu. Vous dites qu’il n’est pas juste qu’Adam soit coupable du crime de son fils, et en cela je vous approuve ; mais si le crime du fils ne retombe pas sur le père, pourquoi imputez-vous à Dieu le crime d’Adam ? Comme donc nous ne devons pas imputer à Adam le crime de Caïn, n’imputons pas à Dieu le péché d’Adam.
7. Cessez donc, insensé calomniateur, si toutefois vous n’êtes pas plutôt un blasphémateur, cessez un tel langage contre Dieu, cessez de délirer. Considérez d’abord qui vous êtes, par, qui vous avez été créé, et voyez si vous devez dire de votre Créateur ce que vous n’osez pas dire de votre semblable.

  1. Ezéch. 18, 4