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sollicitations pressantes d’une femme que le démon avait déjà séduite ; sur le fumier, il dit à Eve : « Tu as parlé comme une femme insensée[1] ». Là, il prêta l’oreille ; ici, il fit une réponse : au séjour de la joie, il écouta ; au comble de l’épreuve, il remporta la victoire. Aussi, mes frères, voyez ce qui suit dans cette Epître ; elle nous y recommande vivement de triompher du démon, mais avec des forces qui ne soient pas les nôtres. « Si vous savez qu’il est juste, sachez que tout homme qui vit selon la justice est né de lui » ; de Dieu, du Christ. En disant : « Est né de lui », il nous donne un encouragement. Dès lors que nous sommes nés de lui, nous sommes donc parfaits.


4. Ecoutez ceci : « Voilà quel amour le Père a eu pour nous, puisque nous sommes appelés enfants de Dieu, et que nous le sommes en effet ». A ceux qui portent un nom sans être effectivement ce qu’il signifie, de quelle utilité peut être ce nom, si la réalité ne s’y trouve pas ? Combien de gens s’appellent médecins, qui n’ont pas appris l’art de guérir ! Combien s’appellent gardiens, qui dorment toute la nuit ? Ainsi, beaucoup portent le nom de chrétiens, qui sont loin de l’être en réalité ; car ils ne sont ce que désigne leur nom, ni dans leur conduite, ni dans leurs mœurs, ni en fait de foi, d’espérance et de charité. Mais que venez-vous d’entendre, mes frères ? « Voilà quel a amour le Père a eu pour nous, puisque nous sommes appelés enfants de Dieu, et que nous le sommes en effet. C’est pourquoi le monde ne nous connaît point, parce qu’il ne connaît point Dieu et qu’il ne nous connaît pas nous-mêmes ». Le monde entier est tout à la fois chrétien et impie, car, par tout le inonde, il y a des impies et des gens de religion, mais ceux-ci ne sont pas connus de ceux-là. Comment pensons-nous que les méchants ne connaissent pas les bons ? C’est qu’ils insultent ceux qui mènent une conduite vertueuse. Faites-y attention, et remarquez qu’il y en a peut-être parmi vous. Si, parmi vous, il en est pour vivre chrétiennement, qui méprisent les choses de ce monde, qui ne veuillent ni aller au spectacle, ni s’enivrer pour ainsi dire solennellement, ni, ce qui est plus grave encore, profaner les saints jours par un libertinage appuyé d’exemples venus de haut, s’il en est pour ne pas vouloir agir ainsi, comme ils seront insultés par tous ceux qui se rendent coupables de toutes ces prévarications ! Si de tels hommes étaient connus, les insulterait-on ? Pourquoi ne sont-ils pas connus ? C’est que le monde ne les connaît pas. Qui est le monde ? Ceux qui l’habitent ; comme les habitants d’une maison portent le nom de maison. Je vous ai souvent expliqué ceci, et pour ne point vous ennuyer, je ne veux pas y revenir. Comme vous attachez à ce nom de monde un sens défavorable, ne l’appliquez qu’à ceux qui l’aiment ; il était juste de leur donner le nom de monde, puisqu’ainsi s’appelle ce qu’ils habitent et (lue. toutes leurs affections les y tiennent fixés. Le monde ne nous a pas connus, parce qu’il n’a pas connu Dieu. Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même s’y est montré : c’était Dieu incarné et caché sous les dehors de l’infirmité humaine. Pourquoi ne l’a-t-on point connu ? Parce qu’il blâmait tous les vices des hommes. Comme ils aimaient les plaisirs que procure le péché, ils méconnaissaient Dieu ; comme ils écoutaient volontiers les suggestions de la fièvre, ils insultaient leur médecin.


5. Qu’en est-il de nous ? Déjà nous sommes nés de lui ; mais parce que nous avons l’espérance : « Mes bien-aimés », dit l’Apôtre, « nous sommes maintenant les enfants de Dieu ». Déjà maintenant ? Si nous sommes déjà les enfants de Dieu, qu’attendons-nous donc ? « Mais ce que nous serons un jour n’apparaît pas encore ». Serons-nous autre chose que les enfants de Dieu ? Ecoutez ce qui suit : « Nous savons que, quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est ». Que votre charité comprenne, il s’agit d’une merveilleuse chose : « Nous savons que, quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est ». Remarquez bien déjà ce que veut dire ce mot : « Est » ; vous en savez la signification. Ce qu’on appelle « est » (non-seulement on l’appelle ainsi, mais il est réellement tel) n’est sujet à aucun changement ; il demeure toujours, ne connaît aucune vicissitude, ne se corrompt en aucune de ses parties ; il ne s’améliore en rien, parce qu’il est parfait ; il ne se détériore pas, car il est éternel. Qu’est-ce donc que cela ? « Au commencement

  1. Job. 2, 10