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comme il avait méprisé la loi d’une nation étrangère.
8. L’Évangéliste continue en disant : « Mais Pilate ayant entendu ces paroles, conduisit Jésus dehors et s’assit à son tribunal, au lieu appelé Lithostrotos, en hébreu Gabbatha ; or, c’était le jour de la préparation de la Pâque, environ vers la sixième heure ». Quant à l’heure où Notre-Seigneur fut crucifié, il se présente une grande difficulté à cause du témoignage d’un autre Évangéliste qui dit : « Il était la troisième heure et ils le crucifièrent [1] ». Lorsque nous en serons au passage où l’on raconte son crucifiement, nous la discuterons, comme nous pourrons, si Dieu nous en fait la grâce. Quand donc Pilate fut assis à son tribunal, « il dit aux Juifs : Voici votre roi ; mais ils criaient : mort ! mort ! crucifie-le. Pilate leur dit : « Je crucifierai donc votre roi ? » Il s’efforce encore de surmonter la crainte qu’ils lui ont inspirée en prononçant le nom de César ; il essaie, en leur disant : « Je crucifierai donc votre roi ? » de toucher par leur propre confusion ceux que n’a pu toucher l’ignominie de Jésus-Christ ; mais bientôt il se laisse vaincre par la, crainte.
9. Car « les pontifes répondirent : Nous n’avons de roi que César. Alors il le leur livra pour être crucifié ». En effet, il eût semblé aller ouvertement contre César, si au moment où les Juifs déclaraient n’avoir point d’autre roi que César, il eût voulu admettre un autre roi ; c’est ce qu’il aurait fait en renvoyant, sans le punir, un homme qu’on lui avait livré et dont on demandait la mort, précisément parce qu’il avait osé se dire roi. « Il le leur livra donc, afin qu’il fût crucifié ». Mais, tout à l’heure, désirait-il autre chose quand il leur disait : « Prenez-le vous-mêmes et le crucifiez » ; ou bien encore : « Prenez-le vous-mêmes et jugez-le selon votre loi[2] ? » Pourquoi les Juifs refusèrent-ils alors si obstinément et dirent-ils : « Il ne nous est permis « de faire mourir personne[3] ? » Pourquoi font-ils maintenant de si vives instances pour qu’il soit mis à mort, non par eux, mais par le président ? Pourquoi refusaient-ils alors de l’accepter pour le mettre à mort, tandis que maintenant ils consentent à ce qu’il soit mis à mort ? Ou bien, s’il n’en est pas ainsi, pourquoi est-il dit : « Alors il le leur livra pour qu’il fût crucifié ? » Y a-t-il quelque différence ? Oui, il y en a une grande ; car il n’est pas dit : « alors il la leur livra pour qu’ils le crucifiassent ; mais, pour qu’il fût crucifié » ; c’est-à-dire, pour qu’il fût crucifié en vertu du jugement et du pouvoir du président. L’Évangéliste nous dit qu’il leur fut livré, pour montrer qu’ils étaient complices du crime auquel ils s’efforçaient de se montrer étrangers ; car Pilate n’eût pas agi ainsi, s’il n’avait vu que c’était là leur désir. Pour les paroles qui suivent : « Mais ils prirent Jésus et l’emmenèrent », elles peuvent se rapporter aux soldats, appariteurs du président ; car plus loin il est dit plus clairement : « Quand donc les soldats l’eurent crucifié ». Cependant, si l’Évangéliste attribue tout aux Juifs, c’est avec justice ; car il est vrai de dire qu’ils ont pris eux-mêmes ce qu’ils ont demandé avec tant d’empressement, et qu’ils ont fait eux-mêmes ce qu’ils ont extorqué ; mais nous traiterons ce qui suit dans un autre discours.

  1. Mc. 15, 25
  2. Jn. 18, 31
  3. Id. 14, 23