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consultent les sorciers et ceux qui observent les astres : par là elles donnent la preuve qu’elles sont des Iduméens, des hommes terrestres ; et, pourtant, elles adorent toutes le Christ, il les tient sous ses pieds : par conséquent, il étend sa chaussure jusqu’en Idumée. « Les Allophyles mc sont soumis ». Qu’est-ce que les Allophyles ? ce sont des étrangers, des hommes qui ne font point partie de mon peuple. « Ils me sont soumis », parce que beaucoup d’entre eux adorent le Christ, et ne régneront cependant pas avec lui. « Les Allophyles me sont soumis. Qui est-ce qui me conduira dans la ville qui environne ? » Quelle est cette ville qui environne ? Si vous vous en souvenez, mes frères, je vous l’ai déjà dit à l’occasion d’un autre psaume, en vous expliquant ces paroles : « Et ils environneront la ville ». Cette ville n’est autre que la masse des Gentils répandus dans tous les pays de l’univers ; ils environnaient de toutes parts le peuple juif : ce petit peuple adorait un Dieu unique ; pour eux, ils étaient adorateurs des idoles, et esclaves des démons. Le Prophète donne donc aux Gentils le nom mystérieux de ville environnante, parce qu’ils s’étaient répandus partout, et qu’ils enveloppaient cette autre ville où l’on adorait un seul Dieu. « Qui est-ce qui me conduira dans la ville environnante ? » Qui est-ce, si ce n’est Dieu ? En d’autres termes : Comment me conduira-t-il, sinon par ces nuées dont il est dit : « Le bruit de votre tonnerre se fait entendre dans la roue[1] ». Cette roue n’est autre chose que la ville environnante. Elle est appelée roue, parce qu’elle signifie le globe terrestre, l’univers. « Qui est-ce qui me conduira dans la ville environnante ? Qui est-ce qui me conduira jusqu’en Idumée ? » Afin que j’étende mon règne même sur les personnes terrestres, afin que ceux-là mêmes m’adorent qui ne m’appartiennent pas, et ne veulent en rien profiter des avantages que je leur offre.
12. « Qui est-ce qui me conduira jusqu’en Idumée ? N’est-ce pas vous, Seigneur, qui nous avez rejetés ? Et vous ne sortirez point à la tête de nos armées[2] ». Est-ce qu’après nous avoir rejetés, vous ne nous conduirez pas ? Mais pourquoi nous avez-vous rejetés ? Parce que « vous nous avez détruits ! » Et pourquoi nous avez-vous détruits ? Parce que vous vous êtes irrité, et que vous avez eu « compassion de nous » ; c’est donc vous qui nous conduirez, après nous avoir rejetés vous qui ne sortirez pas à la tête de nos armées, vous nous conduirez. Qu’est-ce à dire « Vous ne sortirez pas à la tête de nos armées ? » Le monde nous persécutera : il nous foulera à ses pieds ; alors coulera à grands flots le sang des martyrs ; alors s’élèvera le monceau du témoignage, et les païens, qui nous persécuteront, diront : « Où est donc leur Dieu[3] ? » En ce moment, « Seigneur, vous ne sortirez pas à la tête de nos armées ». Vous ne vous déclarerez pas visiblement contre eux : vous ne manifesterez pas votre puissance en notre faveur, comme vous l’avez fait autrefois en faveur de David, de Moïse et de Jésus, fils de Navé, lorsque les Gentils se virent obligés de céder devant leur valeur guerrière, et qu’après les avoir exterminés et avoir ravagé leur pays, vous avez introduit votre peuple dans la terre promise. Vous n’agirez pas ainsi pour nous ; « vous ne sortirez point, Seigneur, à la tête de nos armées ». Vous agirez au dedans de nos cœurs. Que signifient ces mots : « Vous ne sortirez pas ? » Ils signifient : Vous n’agirez pas visiblement. Autrefois, les martyrs marchaient chargés de chaînes, on les jetait en prison, on les exposait en public à la risée de tous, on les donnait en pâture aux bêtes, on les précipitait au milieu des flammes n’étaient-ils pas alors des objets de mépris, parce qu’ils semblaient abandonnés et privés de tout soutien ? Comme Dieu agissait au dedans de leurs cœurs ! Quelles consolations intérieures il leur procurait ! Combien leur était douce l’espérance de la vie éternelle ! Leur cœur n’était point délaissé par lui, ce cœur où l’homme demeure en silence, comblé de joie, s’il est bon ; accablé de remords, s’il est du nombre des méchants. Le Seigneur ne sortait point à la tête de leurs armées et, pourtant, les abandonnait-il à eux-mêmes ? Et n’est-ce pas précisément parce qu’il n’est pas sorti à la tête de leurs armées, qu’il a conduit l’Église jusqu’en Idumée, jusque dans la ville environnante ? Si l’Église voulait combattre et se servir du glaive, ne semblerait-elle pas se battre pour défendre son existence temporelle ? mais comme elle méprisait souverainement la vie présente, un

  1. Ps. 76,19
  2. Id. 59,12
  3. Ps. 78,10