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pas justifié ces paroles : il n’est pas ici question d’un événement à venir, pour lequel on nous demande notre croyance : il s’agit d’un fait accompli que nous pouvons voir de nos yeux. Les Juifs ont fait souffrir le Christ : ils se sont laissé dominer par l’orgueil contre lui. En quel endroit ? Dans la ville de Jérusalem. Ils y étaient les maîtres : voilà pourquoi ils s’y montraient si orgueilleux : voilà pourquoi ils y levaient si hautement la tête. Après la passion du Sauveur, ils en ont été arrachés, et ils ont perdu le royaume à la tête duquel ils n’ont pas voulu placer le Christ. Voyez comme ils sont tombés dans l’opprobre : les voilà dispersés au milieu de toutes les nations, incapables de s’établir n’importe où, ne tenant nulle part une place fixe. Il reste encore assez de ces malheureux Juifs pour porter en tous lieux nos livres saints, à leur propre confusion. Quand, en effet, nous voulons prouver que le Christ a été annoncé par les Prophètes, nous montrons aux païens ces saintes lettres. Les adversaires de notre foi ne peuvent nous reprocher, à nous chrétiens, d’en être les auteurs et de les avoir fait parfaitement concorder avec l’Évangile, afin de faire croire que ce que nous prêchons avait été prédit d’avance : car la vérité de notre Évangile ressort avec évidence de ce fait palpable, que toutes les prophéties relatives au Christ sont entre les mains des Juifs, et qu’ils les possèdent toutes. Par là, des ennemis nous fournissent eux-mêmes, dans ces Écritures divines, des armes pour réfuter et convaincre d’autres ennemis. Quelle honte leur a donc été infligée ? C’est qu’ils sont les dépositaires des livres où le chrétien trouve le fondement le plus solide de sa foi. Ils sont nos libraires : ils ressemblent à ces serviteurs qui portent des livres derrière leurs maîtres : ceux-ci les lisent à leur profit : ceux-là les portent sans autre bénéfice que la fatigue d’en être chargés. Tel est l’opprobre infligé aux Juifs : voilà comme s’accomplit en eux cette prédiction si ancienne : « Il a fait tomber dans l’opprobre ceux qui me foulaient aux pieds ». Quelle honte pour eux, mes frères, de lire ce verset, et de ressembler à des aveugles qui se trouvent en face d’un miroir ! Devant les saintes Écritures, dont ils sont les dépositaires, les Juifs sont dans une condition analogue à celle d’un aveugle devant un miroir : on l’y voit, et il ne s’y voit pas lui-même. « Il a fait tomber dans l’opprobre ceux qui me foulaient aux pieds ».
10. En entendant ces paroles : « Du haut du ciel il a envoyé et m’a sauvé », tu as cherché peut-être à savoir ce qu’il a pu envoyer du ciel ; qui il a envoyé de ce bienheureux séjour. A-t-il député un ange pour sauver le Christ ? Est-ce bien au serviteur à sauver son maître ? Tous les anges sont des créatures mises au service du Christ. Dieu a pu les envoyer pour obéir à ses ordres et le servir : mais ils n’ont point reçu la mission de lui venir en aide, car il est écrit que les anges le servaient[1]. En cela ils n’imitaient point l’homme charitable, qui soulage un indigent : ils remplissaient à l’égard du Tout-Puissant l’office de serviteurs assujettis à son autorité suprême. « Il m’a sauvé » : qu’a-t-il donc « envoyé du ciel ? » Le voici, car le verset suivant nous le dit : « Du haut du ciel il a envoyé sa miséricorde et sa vérité ». Dans quel but ? « Et il a arraché mon âme du milieu des jeunes lionceaux ». « Il a », dit-il, « envoyé du ciel sa miséricorde et sa vérité » ; et le Sauveur ajoute : « Je suis la vérité[2]2 ». Dieu a donc envoyé sa vérité pour arracher mon âme de ce lieu de douleurs, du milieu des jeunes lionceaux : il a, pour la même raison, envoyé sa miséricorde. Nous voyons, dans nos saints livres, que le Christ est tout à la fois miséricorde et vérité ; miséricorde, pour compatir à nos misères ; vérité, pour accomplir les promesses qu’il nous a faites. N’est-ce point ce que j’ai dit tout à l’heure, quand j’ai affirmé qu’il s’est ressuscité lui-même ? Car si c’est la vérité qui a ressuscité le Sauveur ; si c’est la vérité qui a arraché son âme du milieu des lionceaux, comme c’est la miséricorde qui l’a porté à mourir pour nous : la vérité l’a de la même façon retiré vivant d’entre les morts pour notre justification. De fait, il avait annoncé qu’il ressusciterait, et la vérité ne saurait mentir : et parce qu’il était la vérité, parce qu’il n’était pas menteur, il montra à ses Apôtres des cicatrices véritables, car il avait reçu de véritables blessures. Les disciples touchèrent ces cicatrices, ils y portèrent les mains, ils les examinèrent de leurs propres yeux. Après avoir mis ses doigts dans son côté ouvert, l’un d’eux s’écria : « Mon Seigneur et mon Dieu[3] ! » Sa miséricorde l’avait porté à mourir pour ce disciple : la

  1. Mt. 4,11
  2. Jn. 14,6
  3. Id. 20,28