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Seigneur prendra sa défense, et il le délivrera de la puissance de ses ennemis[1] ». On le crucifia, personne ne vint le délivrer ils crurent donc qu’il n’était pas le Fils de Dieu. Aussi l’insultèrent-ils, lorsqu’il fut attaché à la croix ; ils passaient devant lui en secouant la tête, et disaient : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix. Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même[2] ». En tenant ce langage, « ils se sont », dit le livre de la Sagesse, « égarés dans leurs pensées, parce que leur propre malice les a rendus aveugles[3] ». Pour celui qui a facilement pu sortir vivant du tombeau, était-ce bien difficile de descendre de la croix ? Mais pourquoi a-t-il voulu se montrer patient jusqu’à son dernier soupir ? C’était afin de se retirer dans la caverne, loin des regards de Saul. Par caverne on peut entendre un lieu placé en dessous de la surface de la terre : or, il est un fait certain, que tout le monde connaît, c’est que le corps du Sauveur a été enfermé dans un sépulcre qu’on avait creusé dans la pierre. Ce tombeau fut donc la caverne où il se réfugia pour éviter la présence de Saül ; et, tant qu’il n’y fut pas déposé, les Juifs continuèrent à exercer contre lui leur malice. Qu’il ait été l’objet de leurs procédés méchants, jusqu’au moment où il fut enseveli, en voici la preuve. Même après sa mort, et avant qu’on l’eût détaché de la croix, ils percèrent son côté d’un coup de lance ; mais dès qu’il fut enseveli par les soins des personnes qui assistèrent à ses funérailles, ils n’eurent plus sur sa chair divine aucun pouvoir. Le Seigneur sortit vivant, libre des atteintes de ses ennemis et de la corruption, de cette caverne où il s’était retiré pour échapper aux poursuites de Saül ; puis il se montra à ses membres, tout en se dérobant aux regards des impies, dont Saül était la figure. Après sa résurrection ses membres corporels furent touchés par ses membres spirituels, car ceux-ci n’étaient autres que les Apôtres, et les Apôtres portèrent alors leurs mains sur son corps ressuscité, et ils crurent[4]. Alors aussi on vit que la persécution de Salit n’avait abouti à rien. Passons maintenant à l’explication du psaume, car nous avons suffisamment parlé de son titre ; nous en avons dit tout ce que le Seigneur a bien voulu nous suggérer.
5. « Ayez pitié de moi, ô mon Dieu ; ayez « pitié de moi, parce que mon âme met sa « confiance en vous[5] ». C’est Jésus-Christ qui dit au milieu des tourments de sa passion : « Ayez pitié de moi, Seigneur » Un Dieu dit à Dieu : « Ayez pitié de moi ». Celui qui, avec son Père, prend pitié de toi, crie en toi-même : « Ayez pitié de moi ». Et quand il s’écrie : « Ayez pitié de moi », il prie à ta place, car il emprunte tes paroles ; c’est pour te délivrer qu’il s’est fait homme, et c’est comme homme qu’il dit : « Ayez pitié de moi, Seigneur, ayez pitié de moi n. Et par homme, j’entends son âme et son corps. Le Verbe s’est revêtu de l’homme tout entier : et l’homme tout entier est devenu le Verbe. Toutefois, de ce que l’Évangile a dit : « Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous[6] », il ne faut point conclure que le Fils de Dieu s’est uni à un corps sans âme ; car on donne le nom de chair à l’homme, comme il nous est facile de nous en convaincre par ce passage de la sainte Écriture : « Et toute chair verra le salut de Dieu[7] ». Un corps sans âme pourrait-il voir ce salut de Dieu ? En parlant des hommes le Sauveur dit à son tour : « Comme vous lui avez donné la puissance sur toute chair[8] ». N’avait-il reçu de puissance que sur les corps ? Lui qui était venu surtout pour sauver les âmes, n’avait-il reçu, relativement à elles, aucun pouvoir ? Il y avait donc, tout à la fois, en Jésus-Christ, une âme et un corps, un homme complet, et le Verbe était uni à cet homme : et cet homme et le Verbe étaient un seul homme, comme le Verbe et cet homme étaient un seul Dieu. Qu’il dise donc : « Ayez pitié de moi, Seigneur, ayez pitié de moi ». Pour nous, ne nous étonnons ni de la prière qu’il adresse à son Père, ni de la miséricorde qu’il exerce à notre égard : il ne prie en notre faveur que parce qu’il est miséricordieux envers nous. C’est par bonté qu’il s’est fait homme : il est venu en ce monde, non par une nécessité résultant de sa nature, mais parce qu’il avait résolu de nous délivrer des nécessités où nous engageait notre condition. « Ayez pitié de moi, Seigneur ; ayez pitié de moi, parce que mon âme a mis sa confiance en vous ». Tu entends la prière du Maître : apprends de là à prier toi-même. Il a prié, afin de t’enseigner à le bien faire ; comme il a souffert, afin

  1. Sag. 2,20.18
  2. Mt. 26,40-42
  3. Sag. 2,21
  4. Lc. 24,39
  5. Ps. 56,2
  6. Jn. 1,14
  7. Isa. 40,5 ; Lc. 3,6
  8. Jn. 17,2