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des divins commandements. Il s’ingénie à trouver en toi quelque chose de répréhensible : se servir de toi pour croire en Jésus-Christ, c’est le moindre de ses soucis. Examine avec soin les discours de celui que tu reprends ; vois s’ils ne renferment pas des avis salutaires pour toi. – Mais les discours d’un homme qui pèche en parlant, peuvent-ils renfermer des conseils qui me soient utiles ? – L’avantage que tu pourrais en retirer, ce serait peut-être de te montrer moins censeur de paroles, et de recueillir plus soigneusement les bonnes recommandations. « Ils observeront toutes mes démarches ».
11. « Comme mon âme l’a déjà endurée ». Je parle de ce que j’ai déjà enduré : je parle par expérience. « Comme mon âme l’a déjà enduré, ils habiteront comme étrangers et se cacheront ». Que mon âme supporte donc, et ceux du dehors, qui aboient contre moi comme des chiens furieux, et ceux qui, au dedans, me dérobent leurs pensées. La tentation qui vient du dehors, ressemble à un torrent impétueux : puisse-t-elle te trouver fortement attaché à la pierre ! Qu’elle vienne nous frapper, mais puisse-t-elle aussi nous laisser debout ! Ce sera la preuve que notre maison est bâtie sur la pierre[1]. Si l’ennemi est au dedans, il y habitera comme étranger et s’y cachera : puisse-t-il être auprès de nous, comme la paille est auprès du froment ! On amènera les bœufs pour battre l’aire : la tentation servira de fléau ; tu seras séparé de la paille, et celle-ci se trouvera brisée.
12. « Vous les sauverez pour rien[2] ». Le Prophète nous apprend à prier pour nos ennemis. « Ils habiteront comme des étrangers et se cacheront », parce qu’ils sont des fourbes, des hypocrites, des trompeurs : prie pour eux et ne dis pas : Cet homme est si méchant, si corrompu ! Dieu le ramènera-t-il au bien ? Ne désespère pas de lui : fais attention à celui que tu pries, et non à celui pour lequel tu pries. Tu vois la dangereuse maladie de l’un : ne vois-tu pas, chez l’autre, le pouvoir de guérir ? « Ils habiteront comme des étrangers, et se cacheront, comme mon âme l’a déjà éprouvé. Supporte-les, prie pour eux, et tu verras l’accomplissement de ces paroles : « Vous les sauverez pour rien ». Les sauver, ce n’est rien pour vous, Seigneur, car il ne vous en coûte aucun effort. Leur misérable état ne laisse aux hommes aucun espoir, et d’un mot, vous les guérissez ; leur guérison sera pour nous un sujet d’étonnement, et, pourtant, elle ne vous coûtera rien. « Vous les sauverez pour rien ». On peut expliquer ces paroles d’une autre manière : Vous les sauverez sans aucun mérite de leur part. « Auparavant », dit saint Paul, « j’ai été un blasphémateur, un persécuteur et un homme injuste[3] ». Les prêtres lui donnaient des lettres, afin que, partout où il rencontrerait des chrétiens, il pût les emmener et les jeter en prison[4]. Et, pour mieux réussir dans sa coupable mission, il habitait d’abord comme étranger, et se cachait. Certes, chez lui, il n’y avait aucun mérite : on ne pouvait y trouver que des motifs de condamnation ; il n’avait aucune bonne œuvre à offrir à Dieu. Néanmoins il fut sauvé. « Vous les sauverez gratuitement ». Ils n’amèneront dans votre temple, ni boucs, ni béliers, ni taureaux ; ils n’y apporteront ni offrandes, ni parfums ; ils ne répandront point sur votre autel la liqueur d’une bonne conscience. Eu eux vous ne trouverez que rudesse, corruption et horreur ; et, puisqu’ils ne mériteront, sous aucun rapport, que vous les sauviez, « vous les sauverez pour rien » ; c’est-à-dire que vous leur donnerez gratuitement votre grâce. Quels mérites le larron pouvait-il offrir sur la Croix ? D’un repaire de brigands il avait passé au pied d’un tribunal ; du tribunal, on l’avait conduit à la potence ; de la potence, il entra au paradis[5]. Il éleva la voix, parce qu’il avait crus. Mais qui est-ce qui lui avait donné la foi, sinon le Sauveur crucifié à côté de lui ? « Vous les sauverez pour rien ».
13. « Vous conduirez les peuples dans votre « colère ». Vous vous irritez et vous les conduisez ; vous les punissez et vous les sauvez : vous les épouvantez et vous les rétablissez dans la tranquille paix de la justice. Que veulent dire, en effet, ces paroles : « Vous les conduirez dans votre colère ? »[6] Vous semez des tribulations sous chacun de leurs pas, afin que, plongés dans la peine, les hommes aient recours à vous, au lieu de se laisser séduire par de folles joies et une sécurité trompeuse. Il semblerait que vous êtes irrité, et, de fait, vous agissez en père. Un enfant qui méprise les ordres paternels, attire sur lui la colère de l’auteur de ses jours ou le soufflette,

  1. Mt. 7,25
  2. Ps. 55,8
  3. 1 Tim. 1,13
  4. Act. 9,2
  5. Lc. 23,43
  6. Ps. 115,10