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de convenable dans la sagesse de Dieu et dans la foi de la vérité, à moins d’en avoir reçu le pouvoir de celui dont il est dit : « Qu’as-tu, que tu n’aies point reçu[1] ? » alors, tu loues tes paroles en Dieu, afin d’être loué par la parole de Dieu. En honorant, comme venant de Dieu, les dons qu’il t’a départis, tu honores Dieu lui-même, et le Seigneur, qui t’a fait ce que tu es, t’honorera aussi ; mais, dès que tu honores, comme venant de toi et non pas de Dieu, ce qu’il t’a donné, tu t’éloignes du Saint des saints, de la même manière que les Allophyles se sont éloignés des justes. Donc, « en Dieu je louerai mes paroles ». Si ce sont « mes paroles » que je loue, comment puis-je les louer « en Dieu ? » Ce sont « mes paroles », et je les louerai « en Dieu ». Je les louerai « en Dieu », parce qu’elles me viennent de lui ; ce sont mes paroles, parce qu’il m’a fait la grâce de les prononcer. Tout en me les inspirant, il a voulu qu’elles devinssent les miennes, dès lors que j’aimerais celui de qui elles viennent ; il me les a inspirées ; donc, elles m’appartiennent. S’il n’en était ainsi, comment pourrions-nous dire : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien[2] ? » Comment disons-nous que ce pain est nôtre, puisque nous prions qu’on nous le « donne ? » Si tu demandes à Dieu ton pain, tes mains ne resteront pas vides, et tu ne feras point preuve d’ingratitude en disant que ce pain est le tien. Si tu ne disais pas : « Notre pain », c’est que tu ne l’aurais pas encore reçu de la munificence divine ; si, au contraire, tu dis qu’il est à toi en ce sens qu’il viendrait de toi, tu perds le don de Dieu, parce que tu te montres ingrat à l’égard de celui qui t’avait comblé de ses bienfaits. « Je louerai » donc « mes paroles en Dieu », parce qu’il est le principe de tous les discours conformes à la vérité. « Je louerai mes paroles », parce que j’étais altéré et que j’ai puisé à cette source pour y étancher ma soif. « En Dieu, je louerai mes paroles ; j’ai placé mes espérances dans le Seigneur, et je ne craindrai point ce que l’homme pourra me faire ». N’es-tu pas l’homme qui disait tout à l’heure : « Seigneur, prenez pitié de moi, parce que l’homme m’a foulé aux pieds ; durant tout le jour il m’a fait la guerre et m’a tourmenté ? » Comment dis-tu maintenant : « Je ne craindrai pas ce que l’homme pourra me faire ? » Que te fera-t-il ? Tu as dit, il n’y a qu’un instant : « Il m’a foulé aux pieds, il m’a accablé de tribulations ». Agir ainsi à ton égard, n’est-ce rien ? Le Prophète porte ses regards sur le vin qui coule du pressoir, et il répond : Oui, l’homme m’a foulé aux pieds » ; oui, « il m’a accablé de tribulations », mais, en définitive, que peut-il me faire ? J’étais une grappe de raisin ; je deviendrai du vin. « J’ai placé mes espérances en Dieu ; je ne craindrai point ce que l’homme pourra me faire ».
8. « Durant tout le jour ils avaient mes paroles en abomination[3] ». Il en est ainsi, vous ne l’ignorez pas. Dites la vérité, prêchez-la : Annoncez le Christ aux païens, montrez l’Église aux hérétiques, parlez à tous du salut ; ils s’insurgent contre mes paroles ; ils les prennent en abomination. En agissant de la sorte, à qui s’attaquent-ils, sinon à celui en qui « je louerai mes discours ? » « Tout le jour, ils avaient mes paroles en abomination ». Il devrait leur suffire de les détester, sans rien faire de plus que les décrier et les rejeter ; mais non, ces paroles coulent de la plus pure source de la vérité ; quand ils les détestent et les rejettent, comment agissent-ils à l’égard de celui qui les a inspirées ? Le voici : « Tous leurs desseins à mon égard ne tendaient qu’au mal ». Ils ont un suprême dégoût pour le pain ; peuvent-ils aimer beaucoup le vase dans lequel on le leur présente ? « Tous leurs desseins à mon égard ne tendaient qu’au mal ». S’ils ont tenu cette conduite envers le Sauveur, le corps doit accepter ce que la tête a accepté elle-même, afin de ne point s’en séparer. Ton Sauveur a été méprisé, et tu voudrais être honoré de ceux qui se sont éloignés des saints ! Il ne convient pas que tu cherches à obtenir ce qui ne lui a pas été donné. « Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son Seigneur[4] ». S’ils ont donné le nom de Béelzébub au Père de famille, à bien plus forte raison devront-ils le donner à ses domestiques ! « Tous leurs desseins à mon égard étaient tournés au mal ».
9. « Ils habiteront comme étrangers, et ils se cacheront[5] ». Habiter un pays comme étranger, c’est voyager hors de son propre pays ; ceux qu’on nomme habitants étrangers, demeurent dans un pays qui n’est pas

  1. 1 Cor. 4,7
  2. Mt. 6,11
  3. Ps. 55,6
  4. Mt. 10,21-25
  5. Ps. 55,7