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mondain, je ne dis pas que celui-là offensera l’évêque, mais j’affirme qu’il ne s’approchera pas même de l’Église, dans la crainte de perdre un peu de cet éclat passager. Pourquoi vous parlé-je ainsi, mes frères ? Parce qu’au nom de Jésus-Christ vous m’écoutez tous aujourd’hui volontiers ; et, parce que vous comprenez mes paroles, vous y donnez votre approbation : vous n’applaudiriez pas à mon discours si vous n’en saisissiez point parfaitement le sens. Mais cette intelligente disposition d’esprit doit porter des fruits : en portera-t-elle ? on le verra dans l’occasion. L’on dit que vous êtes des nôtres : néanmoins, s’il survient une tentation, ne passerez-vous pas subitement dans les rangs des étrangers, et ne pourra-t-on pas dire de vous : « Les étrangers se sont élevés contre moi, et les puissants ont cherché mon âme ? » Ne devra-t-on pas vous appliquer encore ces autres paroles : « Ils n’ont point eu Dieu en vue ? » Peut-il vraiment avoir Dieu en vue, celui qui ne porte ses regards que vers les choses de la terre, qui cherche à entasser trésor sur trésor, à multiplier ses troupeaux, à remplir ses celliers, à dire à son âme : « Tu as des biens en abondance, réjouis-toi, fais bonne chère, rassasie-toi ? » Peut-il avoir Dieu en vue, celui qui se glorifie de la sorte, et qui brille ainsi de l’éclat des Ziphéens, celui qui mérite par là de s’entendre dire : « Insensé », c’est-à-dire homme dépourvu d’intelligence, homme imprudent ; cette nuit même on te redemandera ton âme : à qui passeront tous les biens que tu avais amassés pour elle[1] ? Ils m’ont point eu Dieu en vue ».
8. « Car voilà que Dieu vient à mon secours[2] ». Et ceux au milieu desquels je suis caché ne le savent pas. S’ils avaient Dieu en vue, ils comprendraient comment le Seigneur me vient en aide, car il vient au secours de tous les saints ; mais ce secours est intérieur, et les hommes ne l’aperçoivent pas. Comme les impies trouvent, dans leur conscience, la source des plus grandes peines, ainsi les justes trouvent, dans la leur, la source des plus grandes joies. « Notre gloire », dit l’Apôtre, est dans le témoignage de notre conscience[3] ». C’est dans l’intérieur de sa conscience, et non dans l’éclat extérieur des Ziphéens, que se glorifie celui qui dit : « Car le Seigneur vient à mon secours ». Si éloigné de moi que soit l’objet de mes espérances, le secours, dont je suis aujourd’hui favorisé de sa part, me comble de joie, et ces délices, qui surabondent maintenant en moi, me font comprendre combien sont injustes ces paroles de certains hommes : « Qui est-ce qui nous a montré des biens ? – Seigneur, la lumière de votre visage est imprimée sur nous. Vous avez répandu la joie dans mon cœur[4] ». « Vous avez répandu la joie », non sur ma vigne, ou mes troupeaux, ou mon aire, ou ma table, mais « dans mon cœur : car le Seigneur vient à mon secours » Comment vient-il à ton secours ? « Et le Seigneur est le protecteur de mon âme ».
9. « Faites retomber sur mes ennemis le mal qu’ils veulent me faire[5] ». Si brillants qu’ils soient, si vif éclat qu’ils projettent aujourd’hui, ils seront plus tard jetés au feu. « Et dispersez-les par votre puissance n. Pour le moment, tu les vois florissants, tu les vois s’élever de terre comme l’herbe verdoyante ne sois ni assez imprudent ni assez insensé pour te laisser éblouir par de telles apparences ; tu périrais éternellement[6] ». Car : « Faites retomber sur mes ennemis le mal qu’ils veulent me faire ». Si, en effet, tu appartiens au corps de David, il les dispersera par sa puissance. Le bonheur de ce monde leur sourit, mais Dieu emploiera son pouvoir à les faire périr. Toutefois, leur joie et leur perte seront d’inégale durée l’une n’est que passagère, l’autre sera éternelle : l’une provient de la possession de biens trompeurs ; l’autre les condamnera à de véritables tourments. « Seigneur, dispersez par votre puissance » tous ces hommes que vous avez tolérés dans votre faiblesse.
10. « Je vous offrirai des sacrifices volontaires[7] ». Peut-on comprendre, sur le dire d’un autre, quel est ce bien du cœur de l’homme, si ou ne le connaît par une expérience personnelle ? Quel sens donner à ces paroles : « Je vous offrirai des sacrifices volontaires ? » Je vais vous le dire : comprenez-moi, si vous le pouvez et comme vous le pourrez ; et, si vous ne le pouvez, du moins croyez-moi, et priez Dieu de vous accorder la grâce de saisir ma pensée. Devons-nous passer outre sans vous avoir expliqué ce verset ? Je l’avoue à votre charité, le goût que j’y trouve m’invite assez de lui-même à vous en parler,

  1. Lc. 12,20
  2. Ps. 53,6
  3. 2 Cor. 1,12
  4. Ps. 4,6-7
  5. Id. 53,7
  6. Id. 91,7-8
  7. Id. 53,8