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n’est pas le prophète Nathan que Dieu t’envoie, mais David lui-même, Écoute ses cris, et crie avec lui ; écoute ses gémissements, et gémis avec lui ; écoute ses pleurs, et joins-y tes pleurs ; écoute-le qui se corrige, et prends part à sa joie. Si tu n’as pu fermer ton cœur au péché, du moins ne le ferme pas à l’espérance du pardon. Dieu envoie le prophète Nathan vers ce pécheur[1], vois l’humilité du roi. Il ne rejette point la leçon qui lui est faite, il ne dit pas : Oses-tu me parler ainsi à moi qui suis roi ? Ce prince dans sa majesté écouta le Prophète ; que le peuple dans son humilité écoute le Christ.
6. Écoute aussi, toi pécheur, et dis avec David : « Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, selon la grandeur de votre miséricorde[2] ». Implorer une grande miséricorde, c’est avouer une grande misère. Qu’ils n’implorent qu’une miséricorde légère ceux qui n’ont péché que par ignorance : « Ayez pitié de moi », dit David, « selon votre grande miséricorde ». Guérissez ma large blessure, par la puissance de vos remèdes. Mon mal est grand, mais j’ai recours à la puissance infinie. Une blessure aussi mortelle me jetterait dans le désespoir, si je ne trouvais un médecin aussi puissant. « Ayez pitié de moi, dans toute l’étendue de votre miséricorde ; et dans la multitude de vos bontés, effacez mon péché ». Dire : « Effacez mon péché », revient à dire : « Ayez pitié de moi, mon Dieu ». De même : « La multitude de vos bontés », a le même sens que : « L’étendue de votre miséricorde ». Parce que votre miséricorde est grande, vos miséricordes sont nombreuses, et de votre grande miséricorde viennent vos bontés infinies. Vous avez l’œil sur les contempteurs pour les corriger, l’œil sur les ignorants pour les instruire, l’œil sur ceux qui avouent leurs fautes pour leur pardonner. Un homme a-t-il péché par ignorance ? Quelqu’un déjà qui vous avait beaucoup offensé, qui avait fait des maux nombreux, « a trouvé miséricorde », nous dit-il, parce qu’il avait agi dans l’ignorance et dans l’incrédulité[3] ». Mais David ne pouvait dire : « J’ai agi dans l’ignorance », car il n’ignorait pas, que toucher à l’Épouse d’un autre, est un crime, ni qu’il y a homicide à faire mourir le mari qui ignorait tout, qui n’en témoignait pas la moindre colère. Il obtient donc miséricorde celui qui pèche par ignorance ; mais celui qui pèche sciemment, obtient non pas une miséricorde quelconque, mais une grande miséricorde.
7. « Lavez-moi de plus en plus de mon « injustice ». Qu’est-ce à dire : « Lavez-moi de plus en plus ? » C’est que je suis beaucoup souillé. Lavez de plus en plus les péchés que j’ai commis en pleine connaissance, vous qui avez effacé les fautes que j’ignorais. Il ne faut pas désespérer de votre miséricorde. « Purifiez-moi de mon péché[4] ». Quel en sera le salaire ? C’est un médecin, offre une récompense ; c’est un Dieu, offre un sacrifice. Que donneras-tu pour être purifié ? Vois celui que tu invoques ; il est juste, et parce qu’il est juste il hait le péché ; parce qu’il est juste, il châtie le péché : tu ne saurais enlever à Dieu sa propre justice. Implore sa miséricorde, mais considère sa justice : sa miséricorde pardonne au pécheur, mais sa justice châtie le péché. Quoi donc ? Tu cherches la miséricorde, et le péché doit-il demeurer impuni ? Que David nous réponde, que les pécheurs nous répondent, qu’ils nous répondent comme David, et qu’ils disent : Non, Seigneur, mon péché ne sera point impuni ; je connais la justice de celui dont j’implore la miséricorde ; mon péché ne sera point sans châtiment ; mais, je vous en supplie, ne le châtiez point, car je veux le châtier moi-même : épargnez-moi, puisque je ne veux point m’épargner.
8. « Car je reconnais mon iniquité, et mon crime est toujours devant moi[5] ». Je n’ai point rejeté en arrière ce que j’ai fait, je ne m’oublie point moi-même pour regarder les autres, je ne cherche point à ôter la paille de l’œil de mon frère, quand il y a une poutre dans mon œil[6] ; mon péché est toujours sous mes yeux, et non derrière moi. Il était derrière moi, quand est venu le Prophète qui m’a exposé la parabole de la brebis du pauvre. Voici en effet ce que dit Nathan à David : « Un homme riche avait beaucoup de brebis ; un pauvre son voisin n’en avait qu’une seule qu’il élevait dans son sein et avec son pain ; un étranger vint chez le riche qui, sans toucher à son troupeau, jeta un œil d’envie sur la brebis du pauvre son voisin, et la tua pour son hôte ; qu’a mérité cet homme[7] ? » Dans son indignation David prononça une sentence, et ne sachant point que le Prophète le prendrait dans

  1. 2 Sa. 12,1
  2. Ps. 50,3
  3. 1 Tim. 1,13
  4. Ps. 50,4
  5. Id. 5
  6. Mt. 7,3
  7. 2 Sa. 12,2-6