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moi au jour de la tribulation, et je te délivrerai, et tu m’en glorifieras ». C’est pour cela que j’ai permis que ce jour de tribulation t’arrivât ; si tu n’étais dans l’affliction, peut-être ne m’invoquerais-tu pas ; mais dans la tribulation, tu m’invoques ; et quand tu m’invoqueras, je te délivrerai ; et quand je te délivrerai, tu m’en rendras grâces, afin de plus te séparer de moi. Un homme s’était assoupi, sa prière s’était attiédie, et il s’écria : « J’ai trouvé la douleur et la tribulation, et j’ai invoqué le nom du Seigneur[1] ». Il a trouvé dans la tribulation quelque chose d’utile, la corruption de ses péchés devenait une gangrène pour lui, il était privé de sentiments, et la tribulation est pour lui un feu qui brûle, un fer qui tranche. « J’ai trouvé », dit le Prophète, « la tribulation et la douleur, j’ai invoqué le nom de mon Dieu ». Il y a, mes frères, des peines que tout le monde connaît ; en voici de fort communes dans le genre humain : cet homme pleure parce qu’il a éprouvé une perte ; cet autre pleure parce qu’il est orphelin ; celui-ci s’afflige parce qu’il a est banni de sa patrie et qu’il désire y rentrer, l’éloignement lui paraît insupportable ; la grêle a ravagé la vigne de celui-là, il est sensible à l’inutilité de son travail et de tous ses soins. Quand est-ce que l’homme est exempt de peine ? C’est un ami qui devient son ennemi. Y a-t-il rien de plus sensible dans vie humaine ? Voilà des misères, des plaintes communes à tous ; dans ces afflictions ils invoquent le Seigneur, et ils font bien. Qu’ils prient Dieu, qui peut ou leur apprendre à supporter ces maux, ou les guérir quand on les supporte. Il sait limiter la tentation, afin qu’elle n’excède pas nos forces[2]. Invoquons le Seigneur au milieu de ces afflictions ; et toutefois ce ne sont là que des tribulations qui viennent d’elles-mêmes, ainsi qu’il est écrit dans un autre psaume : « Vous êtes notre secours dans les maux sans nombre qui fondent sur nous[3] ». Il en est que nous devons trouver nous-mêmes. Que celles-ci viennent d’elles-mêmes, il en est une que nous devons chercher et trouver. En quoi consiste-t-elle ? Dans la félicité même en ce bas monde, dans l’affluence des biens temporels ; non que ce soit là une peine, c’est au contraire un soulagement dans nos peines. Dans quelles peines ? dans les peines de notre exil. Car n’être pas encore avec Dieu, vivre au milieu des tentations et des embarras, ne pouvoir jamais être sans crainte, c’est là une tribulation, puisque ce n’est point la sécurité qui nous est promise. Quiconque ne ressent point cette peine de l’exil, n’a nul souci de retourner dans sa patrie. C’est là, mes frères, une véritable affliction. À la vérité nous faisons de bonnes œuvres en cette vie, quand nous donnons du pain à celui qui a faim, un asile à l’étranger, elle reste : c’est encore là une tribulation. Nous voyons des malheureux, que nous essayons de soulager, parce que leur misère nous a touchés de compassion. Combien serais-tu mieux dans ce séjour où tu ne verrais ni affamé à qui donner du pain, ni étranger à recevoir, ni indigent à revêtir, ni malade à visiter, ni plaideurs à mettre d’accord, où tout sera la perfection, la vérité, la sainteté, l’éternité ! Là, notre pain sera la justice, notre breuvage la sagesse, notre vêtement l’immortalité ; le ciel sera notre éternelle demeure, notre durée sera sans fin. La maladie viendra-t-elle nous y surprendre ? La fatigue nous entraînera-t-elle au sommeil ? Il n’y aura là ni la mort ni les procès ; mais la paix, mais le repos, mais la joie, mais la justice. Nul ennemi n’entrera dans ce lieu, nul ami n’en sortira. Quel sera là notre repos ? Si nous réfléchissons à l’état où nous sommes, et si nous le comparons à celui que nous a promis celui qui ne sait point mentir, cette promesse elle-même nous montre dans quelle tribulation nous sommes plongés. Or, cette-tribulation, nul ne la trouve que celui qui la cherche par la pensée. Vous êtes en santé, voyez si vous souffrez ; car pour un malade, il sent facilement qu’il souffre ; mais quand vous êtes en santé, voyez si vous souffrez de n’être point avec Dieu. « J’ai rencontré la tribulation et la douleur, et j’ai invoqué le nom de mon Dieu[4] ». « Immole à Dieu un sacrifice de louanges ». Bénis-le dans ses promesses, bénis-le quand il t’appelle, bénis-le quand il t’encourage, bénis-le quand il te soutient ; et comprends enfin quel est ton état d’affliction. Invoque le Seigneur, et il te délivrera, et tu le glorifieras, et tu demeureras en lui.
23. Mes frères, écoutez la suite du psaume. Quelqu’un, peut-être, parce que Dieu lui a dit : « Offre au Seigneur un sacrifice de louanges »,

  1. Ps. 114,3
  2. 1 Cor. 10,13
  3. Ps. 45,2
  4. Ps. 114,3