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sur elle. Tu as donc besoin de ce qui est avec toi, mais Dieu n’a nul besoin de ce qui est avec lui. Les campagnes et leur beauté sont avec lui, la beauté des cieux avec lui, tous les oiseaux avec lui, parce que lui-même est partout. Et pourquoi tout est-il avec lui ? Parce que tout lui était connu avant d’exister, ou d’être créé.
19. Qui peut nous expliquer et nous faire comprendre ce qui est dit dans un autre psaume : « Car vous n’avez nul besoin de mes biens[1] ? » Le Prophète nous dit qu’il n’a pas besoin de recevoir de nous, rien qui lui soit nécessaire. « Si j’ai faim, je ne vous le dirai point[2] ». Or, celui qui garde Israël, ne souffrira ni de la faim, ni de la soif, ni du sommeil[3]. Mais voilà que j’accommode mon langage à votre nature charnelle : parce que tu n’as pas mangé, et que dès lors tu souffres de la faim, tu t’imagines que Dieu a faim de manière à manger. S’il a faim, il ne te le dit pas : tout est devant lui, il peut prendre partout ce qui lui est nécessaire. Dieu parle donc ainsi pour confondre notre faible intelligence, et non pour faire quelque aveu de sa faim. Et toutefois à cause de nous ce Dieu des dieux a daigné avoir faim. Il est venu pour avoir faim et nous rassasier, avoir soif et nous donner à boire, se revêtir de notre nature mortelle pour nous revêtir de l’immortalité, se faire pauvre pour nous enrichir, Car eu se revêtant de notre pauvreté il n’a point perdu ses richesses, puisqu’en lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science[4]. Si « j’ai faim, je ne te le dirai point. C’est à moi qu’appartient la terre avec tout ce qu’elle renferme ». Ne te mets donc pas en peine de ce que tu me donneras, j’ai sans peine ce que je veux.
20. Pourquoi penser à tes troupeaux ? « Mangerai-je la chair de tes bœufs, et boirai-je le sang des boucs ? » Vous voyez ce que n’exige point de nous celui qui va nous faire je ne sais quelle prescription. Si votre pensée se portait sur de tels sacrifices, détournez-en votre esprit, et gardez-vous de penser à offrir à Dieu rien de semblable. Avez-vous un taureau gras, tuez-le pour les pauvres ; que les pauvres mangent la chair tics taureaux, bien qu’ils ne boivent pas le sang des boucs. Et quand vous l’aurez fait, il vous en tiendra compte, celui qui a dit : « Si j’ai faim, je ne te le dirai pas » ; mais il vous dira un jour : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger[5] », « Mangerai-je la chair des bœufs, et boirai-je le sang des boucs ? »
21. Dis donc alors : Seigneur, notre Dieu, que demandez-vous de votre peuple, de votre Israël ? « Immole au Seigneur un sacrifice de louanges[6] ». Disons-lui donc nous aussi : « Seigneur, les vœux que je vous offrirai sont dans mon âme, et les actions de grâces que je vous rendrai[7] ». Je craignais que vous n’en vinssiez à me demander quelque chose qui fût hors de moi, que je pouvais compter dans mon étable, et que le voleur m’avait peut-être dérobé. Que m’ordonnez-vous ? « Immole à Dieu un sacrifice de louanges ». Nous voilà en sûreté ; nous n’allons pas en Arabie chercher de l’encens, ni fouiller dans les magasins d’un avare négociant ; Dieu nous demande un sacrifice de louanges. Or, ce sacrifice de louanges, Zachée l’avait dans ses biens, la veuve l’avait dans sa bourse chétive, un autre pauvre l’avait dans un verre d’eau froide ; et cet autre ne l’a ni dans ses biens, ni dans sa bourse, ni dans un verre d’eau, mais il l’a complètement dans son cœur. La maison de Zachée reçut le salut[8] ; et la veuve donna plus que les riches qui étaient là[9] ; celui qui n’a donné qu’un verre d’eau froide ne perdra point sa récompense[10], mais la paix doit être sur la terre pour les hommes de bonne volonté[11] : « Immole à Dieu un sacrifice de louanges ». O sacrifice gratuit donné par la grâce ! Je n’ai point acheté ce que je devais vous offrir, c’est vous qui m’en avez fait don, car je ne l’aurais même point. « Immole à Dieu un sacrifice de louanges ». C’est immoler ce sacrifice de louanges que rendre grâces à celui dont te vient tout le bien que tu possèdes, et qui dans sa bonté te pardonne tout le mal qui vient de toi, et qui est en toi. « Immole à Dieu un sacrifice de louanges, et rends au Très-Haut tes hommages ». Tel est le sacrifice dont l’odeur lui est agréable. « Rends tes hommages au Très-Haut ».
22. « Invoque-moi au jour de la tribulation, et je te délivrerai, et tu m’en glorifieras[12] » Car tu ne saurais compter sur tes forces, tes efforts ne sont que vanité. « Invoque-

  1. Ps. 15,2
  2. Id. 49,51
  3. Id. 120,4
  4. Col. 2,3
  5. Mt. 25,35
  6. Ps. 49,14
  7. Id. 55,12
  8. Lc. 11,8
  9. Mc. 12,42
  10. Mt. 10,42
  11. Lc. 2,14
  12. Ps. 49,15