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disciples qui reçurent l’Esprit-Saint, quand il descendit du ciel, au cinquantième jour après la résurrection du Christ[1]. De là nous vient l’Évangile, de là cette prédication, qui remplit l’univers entier, et cela par la grâce de la foi.
5. Car le Seigneur étant venu sur la terre, est venu caché, parce qu’il venait pour souffrir : ayant la force en lui-même, il a paru néanmoins dans l’infirmité de la chair. Il devait être vu, mais sans être compris, et méprisé afin d’être mis à mort. L’éclat de sa gloire était dans sa divinité ; mais elle se dérobait sous le voile de la chair. Car si les Juifs l’eussent connu, ils n’eussent jamais crucifié le Seigneur de la gloire[2]. Il a donc vécu caché au milieu des Juifs, au milieu de ses ennemis, opérant des miracles, souffrant des injures, jusqu’à ce qu’il fût suspendu à la croix, et que les Juifs l’y voyant suspendu lui prodiguassent outrage sur outrage, branlant la tête devant la croix et s’écriant : « S’il est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix »[3]. Donc, le Dieu des dieux était caché, et lorsqu’il parlait, il nous faisait entendre la voix de la miséricorde plutôt que celle de la majesté. Comment pouvait-il dire autrement qu’en notre nom : « O Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné[4] ? » Quand le Père aurait-il quitté le Fils, ou le Fils quitté le Père ? Le Père et le Fils ne sont-ils pas un seul Dieu ? Cette parole : « Mon Père et moi sommes un », n’est-elle donc pas d’une vérité absolue ? D’où vient alors : « O Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » si ce n’est le cri du pécheur dans l’infirmité de la chair ? Lui qui a pris la ressemblance de la chair de péché[5], pourquoi ne prendrait-il pas une voix qui ressemblât à la voix du pécheur ? Le Dieu des dieux était donc caché, lorsqu’il vivait parmi les hommes, lorsqu’il avait faim et soif, lorsque la fatigue le faisait asseoir, lorsqu’il dormait pour soulager sa lassitude, lorsqu’il était saisi, flagellé, amené devant le juge, et qu’il réprimait son orgueil en lui disant : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne te venait d’en haut[6] » ; et lorsqu’il a été conduit à la mort, sans ouvrir sa bouche, non plus que l’agneau devant celui qui le tond[7], et lorsqu’il a été cloué à la croix, puis enseveli, le Dieu des dieux a toujours été caché. Mais qu’arriva-t-il après sa résurrection ? Les disciples furent d’abord dans la stupeur, et refusèrent d’y croire jusqu’à ce qu’ils l’eussent touché de leurs propres mains[8]. C’était la chair qui était ressuscitée, parce que la chair seule avait pu mourir ; mais la divinité, qui ne peut mourir, était voilée par cette même chair ressuscitée. On pouvait voir la forme du corps, toucher les membres, palper les blessures ; mais le Verbe par qui tout a été fait, qui pourra le voir ? le toucher ? le palper ? Et pourtant, « ce Verbe s’est fait chair et a demeuré parmi nous[9] ». Et Thomas, qui touchait la chair, comprenait Dieu autant que possible. Car, après avoir touché les plaies, il s’écria : « Mon Seigneur et mon Dieu[10] ». Or, le Seigneur leur montrait cette forme, cette chair qu’ils avaient vue clouée à la croix et déposée dans le sépulcre. Il en agit ainsi avec eux pendant quarante jours. Il ne se montra point aux Juifs impies ; il se montra seulement à ceux qui avaient cru en lui avant qu’il fût crucifié, afin de fortifier par sa résurrection ceux que sa croix avait ébranlés. Le quarantième jour, il décrivit son Église ou la terre qu’il appelle depuis l’Orient jusqu’à l’Occident, afin de ne laisser point d’excuse à ceux qui veulent périr dans le schisme, et il monta au ciel en disant : « Vous serez mes témoins à Jérusalem », d’où a jailli l’éclat de sa gloire, et dans toute la Judée, et dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ». À ces mots, une nuée le reçut, et les disciples regardaient celui qu’ils avaient connu, mais qu’ils n’avaient connu que dans l’humilité et non dans la gloire. Comme il se séparait d’eux pour aller au ciel, des anges leur dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi demeurer là ? Ce Jésus que vous voyez monter au ciel, en descendra de la même manière que vous l’avez vu s’y élever[11] ». Il monta donc, et les disciples retournèrent à Jérusalem pour y demeurer, selon l’ordre qu’il leur en avait donné, jusqu’à ce qu’ils fussent remplis de l’Esprit-Saint. Mais qu’avait-il dit à Thomas qui le touchait ? « Tu as cru, parce que tu as vu ; bienheureux ceux qui ne voient point et qui croient[12] ». C’est de nous que parlait le Sauveur. Cette terre appelée de l’Orient à l’Occident ne voit pas, et pourtant elle croit.

  1. Act. 2,4
  2. 1 Cor. 2,8
  3. Mt. 27,39
  4. Ps. 21,2 ; Mt. 27,46
  5. Jn. 10,30 ; Rom. 8,8
  6. Jn. 19,11
  7. Isa. 53,7
  8. Lc. 24,37
  9. Jn. 1,14
  10. Id. 20,28
  11. Act. 1,3-12
  12. Jn. 20,29