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faim et soif de la justice[1] ». Donc, puisque « l’âme de cet homme sera bénie pendant sa vie », les bénédictions seront ici-bas pour lui, et les tourments après la mort.
9. « Il vous louera si vous lui faites du bien ». Considérez cette vérité, qu’elle vous nourrisse, qu’elle soit enracinée dans vos cœurs et soit votre aliment. Voyez ces hommes, gardez-vous de leur ressembler prenez garde surtout à ces paroles : « Il vous louera, si vous lui faites du bien ». Combien de chrétiens, mes frères, qui remercient Dieu seulement quand il leur arrive quelque bien ? C’est accomplir cette parole : « Il vous bénira quand vous lui ferez quelque bien ». Il vous bénira et dira : Véritablement vous êtes mon Dieu : il m’a délivré de ma prison et je le bénirai. Il lui survient quelque bonheur, et il bénit Dieu ; quelque malheur, et il blasphème. Quel fils es-tu donc, pour qu’un père te déplaise alors qu’il te châtie ? Le ferait-il si tu ne lui déplaisais ? Et si tu lui déplaisais au point d’encourir sa haine, voudrait-il te redresser ? Rends donc grâces à celui qui te redresse, afin que tu puisses recueillir l’héritage du Dieu qui te châtie. Te redresser, c’est te perfectionner ; et s’il te redresse fortement, c’est qu’il te réserve un héritage précieux. Si tu compares en effet ces châtiments avec les biens qu’il te réserve, tu trouveras que ces châtiments ne sont rien. Saint Paul nous dit à ce propos : « Les afflictions si courtes et si légères de la vie présente, nous préparent un poids incroyable de gloire ». Mais pour quel moment ? « Ne considérons point les choses visibles, mais bien les choses invisibles ; non plus celles du temps, mais celles de l’éternité. Ce que l’on voit est passager, ce que l’on ne voit pas est éternel[2] ». Et ensuite : « Les douleurs de la vie présente ne sont-point comparables à la gloire future qui doit éclater en nous[3] ». Qu’est-ce donc que ta douleur ? Mais, diras-tu, elle dure toujours, soit, Depuis ta naissance, dans tous les âges jusqu’à l’extrême vieillesse, jusqu’à la mort, tu dois souffrir comme Job ; qu’un homme endure depuis l’enfance ce que Job a enduré quelque temps, néanmoins les douleurs passeront et auront une fin ; la récompense de ces douleurs sera éternelle. Ne compare plus les maux avec les biens, mais le temps avec l’éternité, si tu le peux.
10. « Il vous bénira si vous lui faites du bien e ». Qu’il n’en soit pas ainsi de vous, mes frères ; considérez que, si je vous tiens ce langage, si nous chantons ce psaume, si je me fatigue à vous l’expliquer, c’est pour vous détourner d’en agir de la sorte. Vos occupations deviennent pour vous une épreuve : souvent dans votre négoce vous entendez la vérité, et alors vous blasphémez, vos blasphèmes retombent sur l’Église. Pourquoi ? parce que vous êtes chrétiens. S’il en est ainsi, je vais chez Donat, direz-vous, je veux me faire païen. Pourquoi ? Parce que vous avez touché le pain du bout des dents, et que vos dents étaient agacées. À la vue de ce pain, vous le vantiez : vous y avez mis la dent et vous l’avez sentie endolorie ; c’est-à-dire que vous applaudissez en écoutant la parole de Dieu, mais que vous blasphémez, quand on vous dit : Faites ceci. N’agissez plus de la sorte ; dites plutôt : Ce pain est excellent, mais je ne puis en manger ; au lieu que maintenant tu le bénis en le voyant des yeux, et tu te récries : Qu’il est mauvais ! qui donc l’a fait ? dès que tu en goûtes. Par cette conduite tu bénis Dieu quand il te fait du bien ; et pour toi, dire : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sera toujours en ma bouche[4] », c’est là un véritable mensonge. Ce que chantent vos lèvres doit aussi sortir de votre cœur. Tu as chanté dans l’Église : « Je bénirai le Seigneur en tout temps ». Comment en tout temps ? s’il t’arrive en tout temps quelque gain, tu le bénis en tout temps ; mais qu’un jour arrive la perte, et alors aussi arrive le blasphème, et non la louange : est-ce bien là le bénir en tout temps ? est-ce bien là sa louange qui est toujours dans ta bouche ? Tu ressemblerais à celui dont le Prophète a dit : « Il vous bénira, Seigneur, quand vous lui aurez fait quelque bien ».
11. « Il ira jusqu’où sont allés ses pères[5] » ; c’est-à-dire qu’il imitera ses ancêtres. Les méchants d’aujourd’hui ont des frères, ont une lignée. Les méchants d’autrefois sont les pères de ceux d’aujourd’hui ; et les méchants d’aujourd’hui sont les pères des méchants à venir ; de même que les anciens justes sont les pères de ceux d’aujourd’hui, comme ceux d’aujourd’hui les pères des justes qui viendront après eux. L’Esprit-Saint a voulu nous montrer que la justice n’est point à condamner,

  1. Mt. 5,6
  2. 2 Cor. 4,17-18
  3. Rom. 8,18
  4. Ps. 33,2
  5. Id. 48,20