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DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 48

DEUXIÈME SERMON. – L’EMPLOI DES RICHESSES (SUITE).

Les pécheurs auront pour pasteur la mort, ou le diable qui a introduit la mort dans le monde ; de même que la vie ou Jésus-Christ est le pasteur des fidèles. Déjà ces fidèles habitent le ciel par la foi et surtout par la charité ; c’est là qu’est leur cœur. C’est de là que leur vient la vie, car la vie du temps n’est pas la vie proprement dite. La vie des justes paraît une folie, et un jour ils domineront les méchants qui les prennent aujourd’hui pour des insensés. Cette vie des justes consiste dans l’union au Créateur, qui ne promet que pour l’avenir. Travaillons au salut de notre âme, acceptons la douleur comme un redressement, une perfection.


1. S’il vous en souvient, mes frères, nous devons achever aujourd’hui le psaume que nous avons commencé hier. Nous en étions arrivés à ce verset où l’Esprit de Dieu flétrit ces hommes qui n’ont de souci que pour les biens passagers d’ici-bas, sans s’occuper nullement de ce qui doit succéder à cette vie, sans mettre leur bonheur autre part que dans les richesses et les honneurs du siècle, dans une vertu d’un instant ; qui n’aspirent, au moment de la mort, qu’à s’entourer d’une certaine pompe funèbre, qu’à être ensevelis dans des tombeaux artistement ciselés, qu’à faire retentir leurs noms dans leurs terres et dans leurs palais ; mais qui ne s’inquiètent point du sort de leur âme après cette vie ; imprudents que n’effraie pas cette parole du Christ : « Insensé, cette nuit même on te redemandera ton âme, et pour qui sera ce que tu as amassé[1] ? » Ils ne considèrent point que le mauvais riche, après avoir fait chaque jour bonne chère et s’être vêtu de pourpre et de fin lin[2], fut condamné aux tourments de l’enfer ; et qu’après les douleurs, les ulcères et la faim, le pauvre reposa au sein d’Abraham. Voilà ce qui les inquiète peu. Mais ils s’occupent du présent, peu soucieux pour l’avenir, sinon de rendre célèbre sur la terre un nom réprouvé dans le ciel. C’est en faisant le portrait de ces hommes que l’Esprit-Saint a dit : « Leur voie est pour eux la voie du scandale, puis ils béniront Dieu des lèvres[3] ». C’est ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit de quelques-uns qui arrivent d’abord à la foi, purifiés par la parole de Dieu et les exorcismes faits au nom du Christ, afin de recevoir la grâce et le baptême, et qui retournent plus tard à des désordres plus grands que leurs désordres passés. « Leur dernier état devient pire que le premier[4] ». Ainsi dit l’apôtre saint Pierre ; et le Seigneur : « Le dernier état de cet homme est pire que le premier[5] ». Pourquoi ? Parce qu’auparavant c’était un païen déclaré, et qu’aujourd’hui il est chrétien de nom, couvrant sa malice d’un voile religieux. Leur état sera pire, est-il écrit, parce qu’il est caché, comme il est dit : « Ils béniront Dieu des lèvres » ; c’est-à-dire que le nom du Christ est sur leurs lèvres, mais non dans leurs cœurs. C’est d’eux qu’il est dit : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais leur cœur est loin de moi[6] ». Telle est la partie du psaume que nous avons expliquée.
2. Voici de quelle manière commencent les versets à expliquer : « Ils sont comme des troupeaux dans l’enfer ; la mort est leur pasteur[7] ». De qui ? De ceux qui ont trouvé le scandale dans leur voie. De qui ? De ceux qui ne sont occupés que du présent, sans penser à l’avenir ; de ceux qui ne croient pas à une vie autre que cette vie, laquelle mérite plutôt le nom de mort. Ce n’est donc pas sans sujet qu’ils ressemblent à des troupeaux dans l’enfer, ayant la mort pour pasteur. Qu’est-ce à-dire que la mort est leur pasteur ? La mort serait-elle donc une réalité ayant quelque puissance ? La mort est en effet la séparation de l’âme et du corps, et cette séparation de l’âme et du corps, voilà ce que redoutent les hommes ;

  1. Lc. 12,20
  2. Id. 16,19
  3. Ps. 48,14
  4. 2 Pi. 2,20
  5. Lc. 11,26
  6. Ps. 29,13
  7. Ps. 48,15