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dire : Écoutez mes paroles, prêtez l’oreille, c’est vous dire de n’écouter pas à la légère. Qu’est-ce à dire : « Prêtez l’oreille ? » C’est dans le même sens que Notre-Seigneur disait : « Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre[1] » ; et toutefois tous ceux qui étaient autour de lui avaient des oreilles. De quelles oreilles parlait-il, sinon des oreilles du cœur, quand il disait : « Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre ? » C’est à ces mêmes oreilles que s’adresse le Psalmiste : « Prêtez l’oreille, vous tous qui habitez l’univers ». On pourrait trouver encore ici une différence. Nous ne devons pas sans doute en rétrécir l’étendue, mais il n’est pas inutile d’exposer cette signification. Il y a peut-être une différence entre cette expression : « Tous les peuples », et cette autre : « Vous tous qui habitez l’univers ». Le Prophète a voulu peut-être nous montrer une signification plus accentuée dans cette expression : « Qui habitez » ; en sorte que les peuples désigneraient les impies, et que les habitants de la terre seraient tous les hommes justes. Celui qui habite, en effet, n’est point assujetti ; mais celui qui est assujetti, est plus habité qu’il n’habite. Un homme possède véritablement ce qu’il a, quand il en est le maître ; mais celui-là est maître, qui n’est point garrotté par les convoitises : au lieu que celui qui porte ces liens, est plutôt possédé que possesseur. Nous avons un mot qui désigne l’habitation dans cette parole de l’Écriture : « J’ai mieux aimé être petit dans la maison du Seigneur que d’habiter sous les tentes des pécheurs[2] ». Quoi donc ? Être petit dans la maison du Seigneur, n’est-ce pas l’habiter ? Il n’emploie ce mot d’habiter, que pour ceux qui règnent, qui possèdent, qui dominent, qui gouvernent ; quant à ceux que l’on méprise, ils n’habitent pour ainsi dire pas, mais ils sont assujettis. L’interlocuteur aurait dit alors : J’aime mieux servir dans la maison du Seigneur, que régner sous les tentes des pécheurs. Si donc il y a une distinction entre « toutes les nations » et « tous les habitants de la terre », comme il y en a une entre « écoutez » et « prêtez l’oreille », ce qui paraît une répétition, sans en être une réellement, le Prophète a voulu nous dire que tous entendront cette parole de Dieu, non seulement les pécheurs et les impies, mais aussi les justes. Ils sont mélangés aujourd’hui pour entendre cette parole ; mais quand viendra le moment d’en rendre compte, ceux qui l’auront entendue sans profit seront séparés de ceux qui l’auront entendue des oreilles. Que les pécheurs écoutent : « Vous tous, ô peuples, écoutez ceci ». Que les justes écoutent, eux qui n’ont pas entendu en vain, et qui gouvernent la terre plus qu’ils n’en sont gouvernés « Prêtez l’oreille, vous tous qui habitez la terre ».
3. Le Prophète ajoute encore : « Et vous, hommes de la terre, et enfants des hommes[3] ». Cette expression : « Hommes de la terre », s’appliquerait aux pécheurs ; et cette autre : « Enfants des hommes », aux fidèles et aux justes. Vous voyez donc revenir cette distinction. Quels sont les hommes de la terre ? les fils de la terre. Quels fils de la terre ? Ceux qui recherchent les possessions terrestres. Quels sont les fils des hommes ? Ceux qui appartiennent au Fils de l’homme. Déjà nous avons établi devant vous cette distinction, et nous avons vu qu’Adam était homme sans être fils de l’homme ; que le Christ était fils de l’homme, et qu’il était Dieu[4]. Ainsi, tous ceux qui appartiennent à Adam sont hommes de la terre, tous ceux qui sont du Christ sont « fils de l’homme ». Que tous écoutent néanmoins, je ne refuse ma parole à personne. Celui-ci est terrestre, qu’il écoute ma parole, dans la crainte du jugement ; celui-là est fils de l’homme, qu’il écoute, afin de régner. « Que le riche et le pauvre s’unissent ». Nouvelle répétition. Cette expression : « Le riche », s’applique aux hommes terrestres ; cette autre : « Le pauvre », aux enfants des hommes. Par les riches on doit entendre les orgueilleux ; et par les pauvres, les humbles. Qu’un homme possède beaucoup de biens, il est pauvre s’il ne s’en prévaut pas. Qu’il ne possède rien, Dieu le rangera néanmoins parmi les riches, les réprouvés, s’il a le désir ou l’orgueil de la richesse. C’est par le cœur, et non par le palais ou le coffre-fort, que Dieu juge des pauvres ou des riches. Ne sont-ils pas réellement des pauvres, ceux qui accueillent ce précepte de l’Apôtre, disant à Timothée : « Commande aux riches du siècle de n’être point orgueilleux[5] ? » Comment, de ceux qui étaient riches, a-t-il fait des pauvres ? Il leur enlève ce qui nous fait rechercher les richesses. Car

  1. Mt. 11,25
  2. Ps. 83,11
  3. Ps. 49,3
  4. Discours sur le Ps. 8, n. 10
  5. 1 Tim. 6,17