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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME 48

PREMIER SERMON. – L’EMPLOI DES RICHESSES.

L’impie jouissant du bonheur temporel, et le juste qui en est privé, voilà pour beaucoup la pierre de scandale. – Les nations désignent les impies ; les habitants de la terre, les justes. Les riches peuvent être pauvres, s’ils ne comptent pas sur leurs richesses, et les pauvres sont riches quand ils les désirent. Écoutons de manière à comprendre et nous verrons Dieu pour jouir de lui, non pour le fuir, comme ceux qui ont compté sur leur force, sur leur bien, sur leurs amis, qui se sont fait de magnifiques tombeaux pour y demeurer, mais dont l’âme va au feu éternel, et qui laissent leurs biens à des étrangers ou à ceux qui ne peuvent les secourir.


1. Toutes les paroles de l’Écriture sont utiles à ceux qui les comprennent bien, mais dangereuses pour ceux qui les veulent accommoder à la perversité de leur cœur, plutôt que de redresser leur cœur d’après ces règles saintes. C’est en effet chez les hommes un désordre bien grand, mais ordinaire, de vouloir que Dieu suive leur propre volonté, quand c’est à eux de suivre la volonté de Dieu ; de vouloir que Dieu se déprave, parce qu’ils ne veulent point se corriger, et de ne voir le bien que dans leur propre volonté, et non dans celle de Dieu. Nous entendons souvent les hommes se plaindre contre Dieu, de la prospérité des méchants et des tribulations de l’homme de bien ; comme si Dieu était injuste ou ne savait ce qu’il doit faire, ou détournait complètement ses regards des choses humaines, ou ne voulait point troubler son repos pour y donner ses soins, comme si voir et corriger les désordres fût une fatigue pour lui. Ils murmurent donc, ces hommes qui ne veulent adorer Dieu que pour en être plus heureux ici-bas, quand ils voient dans l’abondance et la félicité de la terre ceux qui n’adorent que Dieu ; tandis que pour eux, qui adorent le Seigneur, ils sont dans l’angoisse, dans la disette, dans les chagrins et dans toutes les autres misères de cette vie. C’est contre cette voix impie, contre ces blasphèmes et ces murmures, que la parole divine nous devient un charme qui guérit de la morsure du serpent. Tout cela est en effet comme le pus du cœur empoisonné, qui vomit contre Dieu le blasphème ordurier ; et, ce qu’il y a de pire, écartant la main du médecin sans écarter la morsure du serpent. C’est-à-dire, que le cœur de l’homme écarte la sévérité de la parole de Dieu, pour admettre les flatteries pernicieuses du serpent. C’est contre ces hommes que la parole divine a des chants, et qu’elle va nous prévenir dans ce psaume. Je vous exhorterais à y donner toute votre attention, s’il ne l’attirait pas lui-même, et non seulement la nôtre, mais celle du monde entier. Écoutez en effet sa manière de commencer.
2. « Nations de la terre, écoutez ceci ». Ce n’est donc pas vous seuls qui êtes ici. Qu’est-ce en effet que ma voix, pour crier de manière à retentir chez toutes les nations ? C’est par les Apôtres que Notre-Seigneur Jésus-Christ s’est fait entendre, il a crié par autant de langues qu’il en a envoyées ; et ce psaume autrefois récité chez un seul peuple, dans la synagogue des Juifs, nous le voyons chaula dans l’univers entier, dans toutes les Églises, et ainsi s’accomplit cette parole : « Nations de la terre, écoutez ceci ». Mon but unique est de fixer votre attention, de peur que la fatigue du corps ne vous empêche d’appliquer votre esprit effrayé de la longueur du psaume. S’il est possible, nous le verrons entièrement aujourd’hui, sinon, il nous en restera une partie pour demain ; toutefois, donnez-nous une attention soutenue. Vous n’entendrez, s’il plaît à Dieu, que des choses capables de vous encourager plutôt que de vous fatiguer. « Nations de la terre, écoutez ceci » ; et vous-mêmes faites partie de ces peuples. « Prêtez l’oreille, ô vous qui habitez l’univers ». Le Prophète semble se répéter, comme s’il ne lui eût pas suffi de dire « Écoutez ». Vous