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appelée ici Tharsis. On sait en effet que Carthage, à son origine, était florissante en vaisseaux, et tellement florissante qu’elle était célèbre chez tous les peuples par son commerce et sa navigation. Car Didon, fuyant son frère et abordant ces côtes d’Afrique, où elle bâtit Carthage, avait enlevé, du consentement des principaux du pays, tous les vaisseaux qui mouillaient près de Tyr pour le commerce. Depuis son origine, Carthage n’a jamais manqué de vaisseaux pour le négoce. De là l’orgueil de cette cité ; en sorte que, sous la figure de ses vaisseaux, on peut voir l’orgueil des nations, qui fondent leur espoir sur des choses inconstantes comme le souffle des vents. Ne mettons donc point notre confiance dans nos voiles nombreuses, ni dans la prospérité du siècle, houleux comme la mer ; que notre point d’appui soit dans Sion, où nous pourrons être solidement établis, et non plus exposés à tout vent de doctrine[1]. Que tous ceux alors que les biens de cette vie enflaient d’orgueil soient renversés, et que tout orgueil des Gentils soit soumis au Christ, « qui doit briser d’un souffle impétueux les vaisseaux de Tharsis », non pas d’une ville quelconque, mais de Tharsis. Pourquoi « d’un souffle impétueux ? » C’est-à-dire, par une grande crainte. Tout orgueil, en effet, a redouté le jugement du Christ, au point de croire en lui avec humilité, pour ne plus craindre sa gloire.
7. « Ce qui nous était annoncé, nous le voyons dans la cité de Dieu[2] ». O bienheureuse Église, un jour tu as entendu, un autre jour tu as vu. Elle a entendu les promesses, elle en voit l’accomplissement ; elle a entendu les Prophètes, elle voit l’Évangile. Tout ce qui s’accomplit aujourd’hui a été prophétisé. Élevé donc les yeux, tourne tes regards dans le monde entier et vois ses possessions s’étendre jusqu’aux confins de la terre ; vois s’accomplir cette prophétie : « Tous les rois de la terre se prosterneront devant lui, tous les peuples le serviront[3] ». Vois comme s’est accomplie cette parole : « Élevez-vous, ô Dieu, par-dessus les cieux, et que votre gloire s’étende par toute la terre[4] ». Contemple donc celui dont les mains et les pieds furent percés par des clous, dont on a pu compter les os lorsqu’il pendait à la croix, dont la robe fut tirée au sort[5] : vois dans sa royauté celui qu’ils ont vu pendu à la croix ; vois siéger dans les cieux celui qu’ils ont méprisé quand il marchait sur la terre. Vois dès lors s’accomplir cette parole : « Tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui, toutes les nations du monde se prosterneront devant lui[6] ». À cette vue tu n’as plus qu’à t’écrier : « Ce qui était annoncé, nous le voyons ». C’est avec raison que l’Église est ainsi appelée du milieu des Gentils : « Ecoute, ô ma fille, et vois ; oublie ton peuple et la maison de ton père[7] ». Ton père était jadis l’Aquilon, viens à Sion, à la montagne sainte. Écoute et vois non pas vois et écoute, mais écoute et vois d’abord écoute, et vois ensuite. Vous écoutez d’abord ce que vous ne voyez pas, et ensuite vous verrez ce que vous aurez entendu. « Un peuple qui m’était inconnu m’a servi », dit le Prophète, « il m’a écouté lorsqu’il m’a entendu parler ». S’il s’est rendu parce qu’il a entendu, il n’avait donc point vu. Que deviendrait cette parole : « Ceux à qui il n’avait pas été annoncé verront sa lumière, et ceux qui n’ont rien ouï de lui le comprendront ? » Ceux à qui les Prophètes n’ont pas été envoyés, ont été les premiers à écouter et à comprendre les Prophètes ; ceux qui d’abord ne les avaient pas entendus, les ont écoutés ensuite avec admiration. Mais ceux à qui les Prophètes étaient envoyés sont demeurés en arrière, portant nos livres, n’en comprenant pas la vérité. Ils avaient les tables du Testament et n’en ont point l’héritage. Pour nous, « ce qui nous a été annoncé, nous le voyons, dans la cité du Dieu des armées, dans la cité de notre Dieu ». C’est là que nous avons entendu, là aussi que nous avons vu. Quiconque est au-dehors ne peut entendre ni voir ; quiconque est dans cette ville n’est ni sourd ni aveugle : « Comme nous avons entendu, ainsi nous avons vu ». Où donc as-tu entendu ? Où as-tu vu ? « Dans la cité du Dieu des vertus, dans la cité de nôtre Dieu. Le Seigneur l’a fondée pour l’éternité ». Qu’ils ne viennent point nous insulter, ces hérétiques divisés par provinces ; qu’ils ne s’élèvent point, en disant : « Le Christ est ici ou il est là[8] ! » Nous dire que le Christ est ici ou qu’il est là, c’est nous porter à la division.

  1. Eph. 4,14
  2. Ps. 47,9
  3. Id. 71,11
  4. Id. 107,6
  5. Mt. 27,35
  6. Ps. 21,28
  7. Id. 44,11
  8. Mt. 24,23