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le figuier » ; c’est-à-dire, quand tu faisais partie de ce peuple établi sous la loi qui le couvrait comme d’une ombre charnelle, c’est là que je t’ai vu. Qu’est-ce à dire : C’est là que je t’ai vu ? Là que je t’ai pris en pitié. Celui-ci se souvenant qu’il avait été vraiment sous un figuier, et s’étonnant que Jésus-Christ le sût, parce qu’il croyait n’avoir été vu de personne, lui fit cette confession : « Vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le Roi ce d’Israël ». Qui parla ainsi ? Celui qui venait de s’entendre dire qu’il était un vrai Israélite, et qu’il n’y avait en lui aucun déguisement. Et le Seigneur : « Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu sous le figuier, tu as cru, mais tu verras de plus grandes choses ». Il parle à Israël, à Jacob, à celui qui avait mis une pierre sous sa tête. « Tu verras de plus grandes choses ». Quelles plus grandes choses ? Car cette pierre est déjà posée sous sa tête. « En vérité, je vous le déclare, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu ce montant et descendant sur le Fils de ce l’homme »[1]. Ah ! que les anges de Dieu montent et qu’ils descendent par ces échelles, et que cela se fasse dans l’Église. Les anges de Dieu sont les messagers de la vérité ; qu’ils montent et qu’ils considèrent : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était ce en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Qu’ils descendent et qu’ils considèrent ce que le « Verbe s’est fait chair, et qu’il a habité parmi nous »[2]. Qu’ils montent pour élever les forts ; qu’ils descendent pour nourrir les faibles. Voyez Paul qui monte : « Que nous soyons hors de nous-mêmes, c’est pour Dieu ». Voyez-le qui descend : « Que nous soyons plus calmes, c’est pour vous »[3]. Voyez-le monter encore : « Nous prêchons la sagesse de Dieu aux parfaits ». Voyez-le redescendre : « Je vous ai donné du lait et non de la nourriture »[4]. Voilà ce qui se fait dans l’Église, les anges de Dieu montent et descendent sur le Fils de l’homme ; car le Fils de l’homme est en haut, c’est vers lui comme vers le chef, que s’élèvent les cœurs. Le Fils de l’homme ou son corps est aussi en bas ; ses membres sont donc ici-bas, sa tête est en haut ; on monte vers la tête, on descend vers les membres. Le Christ est au ciel, et le Christ est sur la terre. S’il n’était que dans le ciel et non sur la terre, d’où viendrait cette voix : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? »[5] Car, dans le ciel, qui pouvait le molester ? Personne assurément, ni les Juifs, ni Saul, ni le diable tentateur ; nul dans le ciel ne peut lui nuire ; mais telle est la liaison des membres dans le corps humain, que la langue réclame quand le pied est blessé.
21. « Vous avez aimé la justice et haï l’iniquité : aussi votre Dieu, ô Dieu, vous a-t-il ce marqué de l’onction »[6]. Nous avons parlé du Dieu marqué de l’onction, ou du Christ. On ne pouvait désigner plus formellement son nom de Christ qu’en l’appelant le Dieu oint. De même qu’il est le plus beau parmi les enfants des hommes ; ainsi « il a été marqué d’une huile de joie par-dessus tous ceux qui doivent la partager avec lui »[7]. Quels sont ses cohéritiers ? Les enfants des hommes ; car le Fils de l’homme a voulu participer à leur nature mortelle, afin de les rendre participants de son immortalité.
22. « La myrrhe, l’ambre et le santal s’exhalent de vos vêtements »[8]. C’est-à-dire, que vos vêtements répandent la bonne odeur. Or, ses vêtements sont les saints, les élus du Christ, toute son Église, dont il se revêt comme d’une robe sans tache et sans ride[9] : il l’a lavée dans son sang pour en effacer les taches, il l’a étendue sur la croix pour en ôter les rides. De là cette bonne odeur-marquée ici par le nom de quelques parfums. Écoutez saint Paul, cet humble apôtre, le bas de la frange qui guérit du flux de sang la femme qui le touchait[10], écoutez-le nous dire : « Nous sommes la bonne odeur de Jésus-Christ en tout lieu, et pour ceux qui se sauvent, et ce pour ceux qui périssent ». Il ne dit pas : Nous sommes la bonne odeur pour ceux qui se sauvent, l’odeur pernicieuse pour ceux qui périssent ; mais bien : « Pour ce qui me regarde, nous sommes la bonne odeur, et pour ceux qui se sauvent, et pour ceux qui se perdent ». Qu’un homme trouve son salut dans la bonne odeur, cela n’est ni improbable, ni incroyable : mais comment un homme périrait-il à l’occasion d’une bonne odeur ? Il y a là un grand sens, une grande vérité ; et quelle que soit la difficulté de le comprendre, il en est ainsi. Or, pour vous montrer que cela est difficile à comprendre,

  1. Jn. 1,48-51
  2. Id. 1,14
  3. 2 Cor. 5,13
  4. 1 Cor. 2,6 ; 3,2
  5. Act. 10,4
  6. Ps. 44,8
  7. Id. 9
  8. Eph. 5,27
  9. Mt. 9,20
  10. 2 Cor. 2,15